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  En ce tout début d'année, que retenir de l'actualité syrienne ? Que la mission d'observation  de la Ligue arabe poursuit ses visites de villes syriennes. Selon l"agence officielle Sana, ses membres étaient présents le 1er janvier à Homs, dans le quartier sensible de Bab Amr, mais aussi à Deraa et à Rastan (près de Homs et théâtre de combats l'été dernier), ainsi qu'à Hama où ils ont plus particulièrement sillonné les quartiers d'al-Hamideya et al-Andalous : apparemment pas d'incidents à signaler [...]



1er janvier 2012 : la Ligue arabe « cacophonise », l’opposition piétine

Par Louis Denghien,



Les observateurs de la Ligue arabe sont décidément très observés de tous côtés !

 

En ce tout début d’année, que retenir de l’actualité syrienne ?

Que la mission d’observation  de la Ligue arabe poursuit ses visites de villes syriennes. Selon l »agence officielle Sana, ses membres étaient présents le 1er janvier à Homs, dans le quartier sensible de Bab Amr, mais aussi à Deraa et à Rastan (près de Homs et théâtre de combats l’été dernier), ainsi qu’à Hama où ils ont plus particulièrement sillonné les quartiers d’al-Hamideya et al-Andalous : apparemment pas d’incidents à signaler de ce côté.

Mais – et ça ne nous étonne qu’à moitié – cette mission se poursuit dans une certaine cacophonie. D’abord, sur place, le général soudanais commandant les observateurs a démenti, samedi 31 décembre, des propos attribués à un de ses observateurs et selon lesquels celui-ci avait aperçu des « snipers » embusqués sur certains toits de la ville de Deraa : l’observateur aurait identifié ces snipers aux forces du régime. Disons, au-delà de la polémique, que ces hommes peuvent avoir été placés là effectivement par les autorités à des fins de sécurité, pour dissuader d’éventuels activistes de l’opposition tentés d' »ambiancer » la visite à Deraa des observateurs arabes. Mais il peut s’agir aussi d’activistes de l’opposition. Enfin, l’observateur peut s’être carrément mépris, comme le suggère d’ailleurs le général Mustafa al-Dabi dans sa déclaration.

Le Parlement arabe contre la Ligue arabe ?

Toutefois, il y a plus sérieux au registre des dissonances inter-arabes : dimanche 1er janvier, le chef du « Parlement arabe« , structure consultative de la Ligue arabe et regroupant des parlementaires issus des 22 Etats membres, s’est déclaré en faveur d’un retrait de la mission d’observation au motif que la présence de celle-ci en Syrie n’a pas mis fin aux violences du régime. Pour Ali al Salem al-Diqbassi, en effet, cette présence « revient à couvrir la poursuite des actes inhumains commis par le régime syrien« . Le ton, très polémique, est donné, et on se demande ce qu’en pense le chef de la mission, le général al-Dabi, qui voici peu déclarait que sa première impression de Syrie était « rassurante« .

On se demande surtout, étant donné ce qu’on sait des capacités de duplicité de certains dirigeants arabes, dans quelle mesure cette sortie de M. al-Diqbassi est spontanée et si elle ne s’inscrit pas au contraire dans un scénario pré-établi, visant à mettre le régime syrien en accusation une nouvelle fois. Seul élément de réponse pour l’instant, une déclaration d’un « responsable de la Ligue arabe » à Reuters, pour qui il est trop tôt pour juger des résultats de la mission, censée rester un mois en Syrie – avec des effectifs renforcés progressivement -, et en place depuis trois jours à peine.

Les jours qui viennent diront ce qu’il faut penser de cette « auto-déstabilisation » de la mission arabe. Le moins qu’on puisse dire c’est que manipulations et provocations menacent quotidiennement la crédibilité et la mission de ces dizaines d’observateurs. Pour autant, nous répétons que le gouvernement syrien a bien fait de tenter l’expérience, mettant ainsi la Ligue devant ses responsabilités.

Un nouvel an en demi-teinte pour l’opposition

Au fait, que se passe-t-il, en ce début d’année, sur le terrain qui soit susceptible de retenir l’attention de l’équipe du général al-Dabi ? Là, nous nous tournons vers nos (dés)informateurs habituels : l’OSDH parle de « milliers » (pas de « dizaines » ou de « centaines » de milliers) de manifestants anti-Bachar dans tout le pays, à Idleb, Alep, Deraa, Douma, Hama et Homs. Il est à notre avis significatif que l’OSDH dans son « rapport d’activités » fasse « mousser » des actions assez insignifiantes comme l’érection d’un « sapin de la démocratie » à Zabadani (non loin de Damas), ou un rasemblement de « jeunes » à Alep. L' »agence de presse », toujours aussi peu transparente, de l’opposition exilée continue de faire flèche de tout bois pour entretenir la fiction  d’un peuple majoritairement entré en dissidence contre le régime.

Du reste l’opposition n’est pas seule à « être de sortie » : à Deir Ezzor, la grande ville de l’Est syrien, des milliers de personnes sont descendues une nouvelle fois dans la rue, en l’occurence la place al-Bassel, pour apporter leur soutien au gouvernement et à ses réformes.

Les bacharistes de Deir Ezzor fêtent le nouvel an à leur façon

Autre petite nouveauté significative, selon nous, dans le communiqué du 1er janvier de l’OSDH : l’accent mis sur le caractère unitaire et multi-confessionnel du mouvement de contestation ; à Idleb, assure l’OSDH, des « centaines de manifestants« , portant des flambeaux, ont lancé des slogans et des chants en faveur de « l’unité nationale et de la fraternité islamo-chrétienne » ; à Alep, « des jeunes » auraient souhaité « une bonne année aux frères chrétiens« . Si cela est vrai, on ne peut que se féliciter de cette tendance, assez nouvelle tout de même chez les manifestants, à la fraternité et à la tolérance. Mais il s’agit ici de répondre, à l’évidence, aux très lourds soupçons d’extrémisme religieux sunnite qui pèse sur le mouvement de contestation radicale, et pas seulement dans les cercles gouvernementaux syriens, mais dans l’ensemble de la population syrienne. En dépit de tout ce que peuvent raconter le CNS et l’OSDH, les Syriens, quelle que soit leur sensibilité, ne peuvent plus ignorer la dimension djihadiste, wahabite ou salafiste, de la guérilla anti-régime, mais aussi de certaines franges de l’opposition politique. Quel Syrien aujourd’hui, pro ou anti-Bachar, ou simplement attentiste, se fait encore des illusions sur l’indépendance du CNS et de l’ASL vis-à-vis soit des Frères musulmans syriens, soit du gouvernement AKP turc ?

Surtout que la dérive sectaire de l’opposition radicale est régulièrement et très fermement dénoncée par tout ce que la Syrie compte de notabilités religieuses, non seulement chrétiennes mais sunnites ! Bref, certains opposants, conscients de la mauvaise image du mouvement – à l’intérieur de la Syrie en tout cas – s’efforcent de corriger le tir, en chantant les vertus de la tolérance religieuse. Un peu gros et un peu tard à notre humble avis…

Dernier élément d’appréciation de l’ampleur de cette mobilisation du 1er janvier 2012, le faible niveau de violence constaté, même dans les dépêches catastrophistes de l’OSDH : 4 morts et 20 blessés dans tout le pays, l’OSDH reconnaissant qu’un des civils tués ne l’a pas été par les forces du régime. De son côté, Sana annonce, ce 2 janvier, le meurtre d’une employée d’une école de Hama, enlevée semble-t-il trois jours plus tôt par trois hommes armés : Rihab Ghazal aurait été victime d’un acte de représailles des activistes de Hama qui entendaient punir, à travers elle, son mari, employé d’une autre école de Hama et qui aurait refusé de suivre une consigne de grève de l’opposition radicale. Encore une « victime civile » non homologuée par l’OSDH ?

Retenons que la mobilisation anti-Bachar ne démarre pas sur les chapeaux de roues, de l’aveu même de ceux qui la « gonflent » depuis des mois !



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7 commentaires à “1er janvier 2012 : la Ligue arabe « cacophonise », l’opposition piétine”

  1. Jo dit :

    L’obseervateur Saoudien , qui a été porter par les manifestants anti régime , a t-il été expulsé ?

  2. Mohamed dit :

    Merci pour l’article.
    Les observateurs continuent leurs visites, à différents quartiers de Homs, Al Moadamaya à damas, Douma et Harasta, Daraa, Idleb, et autres, et partout où ils se rendent, ils sont accueillis par une foule de gens qui leur ont expliqué leurs malheurs et leurs peines avec les terroristes, ils ont recueilli des témoignages des victimes ou de leurs familles et proches, ils ont visité les hôpitaux, et pu voir et s’entretenir avec les blessés, bref, les syriens les supplient de faire appel à leurs consciences pour transmettre au monde la réalité de ce qu’ils vivent, et certains les ont rassuré et leurs ont affirmé qu’ils ont prêté sermon devant Dieu pour agir en leur âme et conscience.
    Les médias syriens couvrent les visites des observateurs, par l’image et par le son. Espérons que les observateurs et la ligue ne déçoivent pas les Syriens et la vérité.
    Et voilà quelques liens :
    http://www.youtube.com/user/tamadonte?feature=mhee#p/u/1/iNm6zgy1A4c
    http://www.youtube.com/user/tamadonte?feature=mhee#p/u/2/bwRE7CYa9HM
    http://www.youtube.com/user/tamadonte?feature=mhee#p/u/3/lSNFO-J7Vvk

  3. Byblos dit :

    Je vous livre ce lien pour ce que vaut son contenu. Je note que le commanditaire de ce sondage est «The Doha debates», et que l’institut de sondage YouGov Siraj est installé à Londres et dirigé par un britannique d’origine kurdo-iraquienne. On ne peut pas imaginer un instant, dans ces conditions, que les «sombres officines» de Bashar el Assad ait pu en influencer les résultats.

    http://www.gulf-times.com/site/topics/article.asp?cu_no=2&item_no=478192&version=1&template_id=36&parent_id=16

    Et voici le verbatim tel que rapporté par Gulf Times :

    Most Syrians ‘supportive of Assad’

    Although the majority of Arabs believe Syria’s President Basher al-Assad should resign in the wake of the regime’s brutal treatment of protesters, fewer Syrians are supportive of an immediate leadership change.
    According to the latest opinion poll commissioned by The Doha Debates, Syrians are more supportive of their president with 55% not wanting him to resign. One of the main reasons given by those wanting the president to stay in power was fear for the future of the country.
    That level of support is not mirrored elsewhere in the region with 81% of Arabs wanting President Assad to step down.
    They believe Syria would be better off if free democratic elections were held under the supervision of a transitional government.
    The poll’s finding support the result of November’s Doha Debate in which 91% of the audience called for President Assad to resign.
    If President Assad resigns, Syria’s relations with Turkey, Lebanon and the United States are expected to improve while relations with Iran and Israel will worsen, according to the opinion poll findings.
    The poll conducted by YouGov Siraj questioned more than 1,000 people in the Arab world between December 14 and 19.

    Ainsi donc, même pour «The Doha debates» ainsi que pour la très british «YouGov Siraj», 55% des Syriens interviewés veulent le maintien de Bashar el Assad au pouvoir.

    Obama ou Sarkozy peuvent-ils, à leur très prochaine échéance, espérer un tel score pour être «DÉMOCRATIQUEMENT» élus?

  4. NO PASARAN dit :

    Excellent, tout ça !!! Même l’OSDH la joue pianissimo !!!

  5. L17 dit :

    Excellent article : merci à Louis Denghien.
    On constate que Juppé, le CNS, OSDH semblent avoir mis une sourdine à leurs « cris ».

    La présence de cette mission d’observation de la Ligue Arabe est une bonne chose avec pour toile de fond la fermeté du soutien de la Russie, de la Chine et de leurs alliés.

    L’année 2011, de funeste mémoire, est terminée… Qu’en 2012 s’amorce un équilibre entre les Grandes Puissances afin que l’Occident cesse ses ingérences inadmissibles et meurtrières dans les Pays du Sud sous prétexte d’exporter la « démocratie » (et ses crises financières).
    Que Vive le Peuple syrien libre de choisir ses institutions et ses dirigeants!

    Cordialement

    Cordialement

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