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Le président syrien Bachar al-Assad a annoncé mardi 31 mai une amnistie générale de tous les prisonniers politiques, y compris les membres des Frères musulmans qui comptent parmi les opposants les plus radicaux au régime. L'amnistie, a précisé le chef de l'Etat, concerne "tous les crimes commis avant le 31 mai", alors que les violences ont débuté voici deux mois et demi. La libération des détenus politiques était une des principales revendications des porte-parole de l'opposition. Le 21 avril, Hafez [...]



Bachar al-Assad promulgue une amnistie générale

Par Louis Denghien,



Le président syrien Bachar al-Assad a annoncé mardi 31 mai une amnistie générale de tous les prisonniers politiques, y compris les membres des Frères musulmans qui comptent parmi les opposants les plus radicaux au régime. L’amnistie, a précisé le chef de l’Etat, concerne « tous les crimes commis avant le 31 mai« , alors que les violences ont débuté voici deux mois et demi. La libération des détenus politiques était une des principales revendications des porte-parole de l’opposition. Le 21 avril, Hafez el-Assad avait eu un autre geste fort sur le plan symbolique, en levant, malgré les troubles en cours, l’état de siège en vigueur depuis près d’un demi-siècle, et annoncé une réforme de la loi électorale ainsi que la possibilité de fonder de nouveaux partis politiques. Cette déclaration avait été précédée, quelques heures plus tôt, par une proposition d’ouverture d’un dialogue avec l’opposition. Cette déclaration du président syrien a aussitôt été saluée par le chef de la Ligue syrienne des droits de l’homme, Abdel Karim Rhaoui qui a notamment déclaré à l’AFP : « Nous sommes satisfaits de la promulgation de cette amnistie touchant les détenus politiques. C’est une revendication que nous réclamons depuis des années. » De son côté, le responsable de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, Rami Abdel Rahmane, a estimé depuis Londres que cette décision de Bachar al-Assad était « un pas dans la bonne direction. »

L’opposition refuse tout dialogue (et donc tout apaisement)

Mais ces réactions sont malheureusement isolées : l’opposition syrienne, ou du moins certains de ses représentants autoproclamés, a immédiatement fait savoir que ces mesures étaient insuffisantes et venaient trop tard. Les représentants de cette opposition en exil tenaient en effet ce même mardi leur première réunion officielle à Antalya, une station balnéaire de la côte méridionale de la Turquie. On y trouvait côte à côte, selon l’agence Reuters, des islamistes et des chrétiens et tout le spectre ethnique syrien. Tant le représentant des Frères musulmans que celui d’une « Ligue des chrétiens assyriens » ont réclamé le départ, immédiat et sans conditions, du président. Indépendamment de la question – essentielle – de la représentativité véritable des « délégués » d’Antalya, on ne peut que constater que ce jusqu’au-boutisme, alors même que Bachar al-Assad a fait un geste important en direction des opposants, témoigne d’une volonté d’affrontement, dans un pays multi-ethnique et multi-confessionnel où les forces centrifuges peuvent conduire à une explosion générale, à l’intérieur et hors des frontières de la Syrie.

Veut-on rejouer le scénario irakien ?

Et un précédent vient immédiatement à l’esprit, d’autant qu’il concerne un pays pas très éloigné de la Syrie : l’Irak, du temps de Saddam Hussein, était lui aussi un Etat laïc fédérant tant bien que mal – mais plutôt bien que mal – des musulmans chiites et sunnites, des Kurdes, des chrétiens. On sait ce qu’il en est advenu : l’occupation étrangère, une guerre civile à peine larvée qui fait chaque mois des centaines de victimes civiles et militaires, une communauté chrétienne terrorisée et amoindrie chaque jour par l’exil, un Kurdistan en quasi-sécession de fait (au grand dam de cette Turquie qui héberge les « révolutionnaires » d’Antalya). On sait aussi qui sont les premiers responsables de ce désastre, de cet immense gâchis politique, humain et économique : les Américains et leurs clients arabes du Golfe. Des gens qu’on retrouve immédiatement derrière cette opposition syrienne, à qui il ne faudrait pas un an, ni même six mois, si elle prenait le pouvoir, pour se déchirer à belles dents. Ce pour le plus grand bonheur de Washington qui ne supporte pas l’existence des nations arabes puissantes et indépendantes, et des potentats plus ou moins wahabites de Ryad et de Qatar qui haïssent les Etats laïcs. Alors on peut légitimement se poser la question – et la poser aussi aux congressistes d’Antalya : veulent-ils, par leur intransigeance, faire basculer leur pays dans la guerre civile, le réduire à plus ou moins long terme à un conglomérat de micro-Etats ethnico-religieux et, par la même occasion, déstabiliser trois ou quatre pays voisins, ce pour le plus grand bonheur des Israéliens ?



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