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L'AFP relaie ce mercredi 20 juin une information émanant du CNS, structure principale mais néanmoins contestée de l'opposition radicale, installée en Turquie : selon le CNS donc, le gouvernement jordanien vient de renforcer le contrôle de sa frontière avec la Syrie pour empêcher les infiltrations... de "partisans du régime de Bachar al-Assad" ! Qui, on l'imagine, ont l'intention de renverser le roi Abdallah avec l'aide des Frères musulmans locaux, première opposition au monarque hachémite ! On savait le CNS accroché à [...]



La Jordanie malade de sa crise économique et de la crise syrienne

Par Louis Denghien,



Abdallah de Jordanie, photographié ici dans une vie antérieure, sans problèmes de voisinage avec la Syrie, et sans la grosse épine des Frères musulmans dans le pied...

L’AFP relaie ce mercredi 20 juin une information émanant du CNS, structure principale mais néanmoins contestée de l’opposition radicale, installée en Turquie : selon le CNS donc, le gouvernement jordanien vient de renforcer le contrôle de sa frontière avec la Syrie pour empêcher les infiltrations… de « partisans du régime de Bachar al-Assad » ! Qui, on l’imagine, ont l’intention de renverser le roi Abdallah avec l’aide des Frères musulmans locaux, première opposition au monarque hachémite !

On savait le CNS accroché à une tactique de communication des plus simples (et même simplistes) : systématiquement attribuer au gouvernement syrien les crimes et actions de l’opposition. C’était vrai pour la tuerie de policiers perpétrée par des islamistes à Jisr al-Choghour en juin 2011, transformée en mutinerie réprimée dans le sang, ou, plus récemment, pour les attentats à la voiture piégée de Dama et d’Alep, généreusement attribués aux services secrets syriens par les fabulateurs du CNS. Cette fois, si la frontière jordanienne, par où passent notoirement des rebelles et des armes pour gagner le gouvernorat syrien de Deraa, est surveillée par les autorités, c’est donc, dixit le CNS, pour parer aux infiltrations incessantes de moukhabarats et de chabihas. Ce alors que la Jordanie, théoriquement alignée sur Washington, Doha et Ryad, ne respecte pas dans les faits le blocus économique anti-syrien décidé par la Ligue arabe.

Cette interprétation du CNS est d’autant plus ubuesque que le 5 juin dernier, le correspondant de la chaîne américaine CNN en Turquie accusait le gouvernement jordanien de rien moins qu’un « crime contre l’humanité » (un délit qui tend apparemment à se généraliser à en croire la lecture de la presse) : les Jordaniens renverraient en Syrie des réfugiés politiques dès leur arrivée à l’aéroport d’Amman. Il est vrai que l’accusation de CNN n’était étayée que par un unique témoignage. Mais cette accusation a ensuite été relayée par des organismes pro-opposition syrienne.

Plus d’argent, et plus beaucoup de ressources politiques

Les estimations sur le nombre de réfugiés syriens en Jordanie tournent autour de5 à 6 000. Une charge supplémentaire pour un pays qui a dû par le passé accueillir pas mal de Palestiniens et d’Irakiens. Et dont la situation économique et sociale est loin d’être enthousiasmante. À court d’argent, et confronté à un lourd déficit budgétaire, le gouvernement doit procéder à des hausses d’impôts et de prix – sur les matières premières, l’électricité et certaines denrées. Des mesures d’urgence mais néanmoins contestées par l’opposition, c’est-à-dire les Frères musulmans, boostés par le succès de leurs homologue égyptiens. Et qui, accessoirement,  appuient naturellement le combat de leurs frères syriens.

Réagissant à l’annonce, fin mai, de ces hausses imminentes, le porte-parole de la Confrérie jordanienne les a qualifiées de « démarches très dangereuses susceptibles de provoquer la colère partout dans le pays« . Une colère que s’entendent à exploiter les Frères : si elle n’a pas été secouée comme d’autres par la houle du « Printemps arabe », la Jordanie est régulièrement le théâtre depuis janvier 2011 de manifestations de rue. Et des élections législatives sont prévues d’ici la fin de l’année, qui se feront selon une nouvelle loi électorale perçue par les Frères musulmans, sans doute pas à tort, comme concoctée spécialement contre eux.

Le Premier ministre jordanien, en poste depuis avril 2012, Fayez Tarawneh, doit se coltiner, outre l’agressivité des Frères musulmans, longtemps réprimés mais désormais interlocuteurs incontournables du roi, à des données sociologiques objectives préoccupantes :  un chômage réel frappant peut-être 30% de la population active, et évidemment plus élevé encore chez les moins de 30 ans, qui représentent 70% de la population. Un terreau idéal pour les révolutionnaires islamistes, en Jordanie comme en Égypte – ou d’ailleurs en Syrie. Et un casse-tête pour les réformateurs, Tarawneh n’était jamais que le quatrième chef de gouvernement depuis l’année dernière. Cette fois, le monarque a choisi un homme vraiment de son sérail, Tarawneh ayant exercé naguère les fonctions de Premier ministre, ministre de la Défense, ministre des Affaires étrangères et de… chef de la Cour. Autre aspect pas insignifiant de son CV, il a été, dans les années 90, ambassadeur aux États-Unis, où il a reçu par ailleurs sa formation d’économiste

Difficulté supplémentaire, et pas la moindre, pour le gouvernement, la ligne de fracture, vieille de quarante ans, entre les Jordaniens de souche et leurs compatriotes d’origine palestiniens chassés par les victoires israéliennes de 1948 et de 1967, cette ligne de fracture dont a longtemps joué le pouvoir royal tend à s’estomper face à l’universalité du mécontentement : les premiers sont surtout présents dans l’administration et les zones rurales, les autres dans les affaires et les villes. Mais tous ou presque désormais sont frappés à des degrés divers par la crise.

Les difficultés politico-commerciales avec la Syrie, point de passage obligé des échanges avec le nord de la région, la Turquie et l’Europe, n’ont rien dû arranger à la situation économique jordanienne. Le roi Abdallah a été un des premiers chefs d’État arabes a demander – plus poliment que d’autres – le départ de Bachar. Coincé entre les exigences des Américains, et d’autres alliés traditionnels et envahissants comme l’Arabie séoudite et le Qatar, et l’extrémisme de « ses » Frères musulmans, le souverain avait à vrai dire une très faible marge de manoeuvre diplomatique. Certains disent que c’est précisément sur le contre-exemple syrien qu’Abdallah et les siens comptent pour calmer les ardeurs de l’opposition.

Mais c’est essentiellement à ses protecteurs américano-golfistes – les Américain ont récemment déployé, pour le compte des Israéliens, des missiles Patriot à la frontière avec la Syrie – que le roi doit, pour l’heure, de n’avoir pas connu le sort de ses homologues républicains de Tunisie, d’Égypte ou du Yémen. Sa Majesté hachémite, contrairement à ses homologues séoudien ou qatari, formuler des voeux secrets pour le maintien de Bachar al-Assad à la tête de la Syrie !

 

Manifestation de soutien des Frères musulmans jordaniens à la révolte syrienne, à un poste-frontière : ceux-ci considèrent Abdallah comme leur Bachar...



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5 commentaires à “La Jordanie malade de sa crise économique et de la crise syrienne”

  1. Mohamed Ouadi dit :

    L’art de la guerre : La démocratie impériale

    par Manlio Dinucci

    Mondialisation.ca, Le 19 juin 2012
    ilmanifesto.it

    Le lendemain du jour où le Parlement égyptien a été dissous par la Cour Constitutionnelle, de fait sur ordre du Conseil suprême des forces armées, le Département d’état étasunien est entré en lice, garantissant que le Conseil s’est engagé à transférer le pouvoir, le 1er juillet, au président élu. Washington assure que, pendant toute la « transition à la démocratie » en Egypte, il est resté en contact étroit avec le Conseil militaire suprême. Personne n’en doute : l’administration Obama a décidé il y a trois mois de reprendre le financement des forces armées égyptiennes, suspendu par le Congrès quand certains employés d’organisations non-gouvernementales étasuniennes avaient été arrêtés pour avoir financé en sous-main, avec des millions de dollars, divers groupes égyptiens dans le cadre des « programmes d’entraînement à la démocratie ». Une fois relâchés, Washington a débloqué l’aide militaire de cette année : 1,3 milliards de dollars, déposés sur un compte à signature conjointe, auxquels s’ajoutent 250 millions pour des programmes économiques et politiques en Egypte, plus un autre chiffre important pour des programmes secrets. On a vu le résultat. Fort du soutien de Washington, le Conseil militaire suprême a fait effacer la loi, promulguée en mai au parlement, qui interdisait la candidature d’ex hauts fonctionnaires du régime Moubarak : c’est ainsi qu’a pu se porter candidat aux présidentielles le général Ahmed Chafik, nommé premier ministre par Moubarak peu de temps avant d’être déposé. Et, après avoir fait dissoudre le parlement, le Conseil militaire suprême a promulgué, pendant que les élections se tenaient, une « constitution ad interim » qui renforce ultérieurement ses pouvoirs, en attendant la constitution définitive rédigée par une commission d’une centaine de membres, nommés par le Conseil lui-même. Ainsi, même dans le cas où s’installerait à la présidence le candidat des Frères Musulmans Mohamed Morsi, le pouvoir réel restera dans les mains du Conseil suprême. C’est-à-dire de cette caste militaire financée et armée par les Etats-Unis, qui durant le régime de Moubarak a été la véritable détentrice du pouvoir. Cette même caste que le président Obama a présentée comme garant de la « transition ordonnée et pacifique », quand Moubarak, après avoir été au service des USA pendant plus de trente ans, a été renversé par le soulèvement populaire.

    Tandis qu’ils dénoncent des « violations de la démocratie » en Syrie et en Iran, les Etats-Unis exportent leur « modèle de démocratie » même dans d’autres pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Au Yémen, le président Obama a admis officiellement que des forces militaires étasuniennes mènent des opérations directes. Formellement contre Al Qaeda, en réalité contre la rébellion populaire. Et, par l’intermédiaire de l’Arabie saoudite et de la Grande-Bretagne, Washington arme le régime yéménite, qui recevra des fournitures militaires pour 3,3 milliards de dollars. Washington fait la même chose avec la monarchie du Bahreïn qui, après avoir férocement réprimé (avec l’aide de l’Arabie saoudite, des Emirats et du Qatar) la lutte populaire pour les droits démocratiques fondamentaux, a emprisonné et torturé une vingtaine de médecins, accusés d’avoir aidé les insurgés, en soignant les blessés. Etant donné que le gouvernement du Bahreïn doit « résoudre de graves questions relatives aux droits humains », Washington annonce de nouvelles fournitures d’armes, qui seront utilisées pour réprimer dans le sang la lutte pour la démocratie.

    Edition de mardi 19 juin 2012 de il manifesto
    http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120619/manip2pg/14/manip2pz/324523/

    Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

    Manlio Dinucci est géographe et journaliste au quotidien italien il manifesto.

    Manlio Dinucci est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca. Articles de Manlio Dinucci publiés par Mondialisation.ca
    http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31497

  2. fatima dit :

    Bonne nouvelle , Roy dans un de ses commentaires a évoqué la fuite de Ryad AlAssad ..EH OUI , c’est fait..ce traitre s’est « emparré de la caisse de 2 millions de dollars et s’est enfui en Bulgarie.
    Voilà (ci-dessous) le titre d’un article sur cela sur Cham press..
    Voilà nos démocrate, on parle de leur honêteté et de leur défense contre le gouvernement corrompu, c’est avéré que ce conseil et ces opposants sont plus corrompus..Souria Allah Hamiha

    « الاسعد هرب بمليوني دولار .. سيدا تعليقاً على هروب الأسعد : ركب موجة المكاسب المادية كغليون وخيانته لن يغفرها التاريخ », cham press, du 21/06/2012

  3. Djazaïri dit :

    Eh bien, voilà que le CNS se sauve avec la caisse. Bonne nouvelle. Cela montre bien le ramassis de gangsters que c’est.

    ps:J’espère que la Jordanie va rendre l’avion.

Commenter Djazaïri