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C'est un fort intéressant "souvenir de vacances" que nous a fait parvenir une habituée d'Infosyrie, Simone, syrienne d'Alep vivant en France et retournée quelques semaines dans sa ville le mois dernier. Alep, c'est la grande ville du nord-ouest de la Syrie - dans les 2 000 000 d'habitants - non loin de la frontière turque. C'est aussi une des plus anciennes villes du monde, dont les fondations se perdent dans le passé babylonien, entre 2000 et 1500 avant Jésus-Christ, et [...]

« Ici, en Syrie, on a plus de liberté ( Houria) que chez vous en Europe où tout est interdit (mam’nou). Nous on fait ce que l’on veut. » (un chauffeur de taxi alépin)

"A mon avis la corruption est servie aussi par la composition de cette société et comme partout par l’avidité et l’égoïsme des nouveaux riches, leur total manque de sens civique, leur incapacité à être un modèle pour les classes intermédiaires."


Témoignage : Un été de calme et d’anxiété à Alep

Par Droits réservés,



Alep

C’est un fort intéressant « souvenir de vacances » que nous a fait parvenir une habituée d’Infosyrie, Simone, syrienne d’Alep vivant en France et retournée quelques semaines dans sa ville le mois dernier. Alep, c’est la grande ville du nord-ouest de la Syrie – dans les 2 000 000 d’habitants – non loin de la frontière turque. C’est aussi une des plus anciennes villes du monde, dont les fondations se perdent dans le passé babylonien, entre 2000 et 1500 avant Jésus-Christ, et que l’UNESCO a d’ailleurs intégrée au Patrimoine mondial de l’Humanité. Elle compte une communauté arménienne importante d’où est issue le peintre contemporain français Jean Carzou, apprécié des Pompidou, et même de l’ancien président de l’Arménie indépendante Ter-Petrossian. La ville abrite aussi une petite communauté juive. Mais comme presque partout en Syrie, la majorité de la population est sunnite.

Aujourd’hui, Alep a joint à ses activités d’artisanat un secteur industriel développé, notamment dans l’agro-alimentaire, la chimie, les constructions mécaniques, la cimenterie. Et naguère il y avait le secteur touristique.

Ce qui nous amène au coeur du témoignage de Simone : pendant des semaines elle a pris le pouls de sa ville, du centre-ville aux banlieues »informelles », des terrasses de la bourgeoisie plus ou moins branchée au petit peuple des artisans ou des jeunes gens débrouillards et travailleurs. Elle a arpenté, « plus que d’habitude, en ces temps d’agitation, les rues d’Alep » . Et tire donc de cette « enquête informelle de terrain » une impression mitigée…

Si Simone confirme qu’Alep est constamment restée à l’écart du mouvement de contestation – pas de manifestations un peu notable en six mois – ce n’est pas pour autant que la ville est sereine : trop d’anxiétés, dans les différentes couches de la société, quant à l’avenir. Beaucoup d’Alépins modestes sont déjà touchés au quotidien par la crise du tourisme consécutive. Toute une bourgeoisie prospère, enrichie depuis la modernisation encouragée depuis dix ans par Bachar, s’inquiète pour se privilèges menacés par les mesures de rétorsion occidentales. Simone pointe d’ailleurs l’incivisme et le manque de patriotisme de ces nouveaux riches occidentalisés dans leur quotidien et leurs aspirations, et dont les plus nantis préparent, en cas de « coup dur », un exil doré. Ces gens qui doivent beaucoup au régime ne sont pas vraiment prêts à mourir pour lui le cas échéant. 

A cette bourgeoisie post-baasiste, notre Alépine oppose une autre bourgeoisie émergente et musulmane, qui a la Turquie musulmane moderniste d’Erdoigan comme modèle et pratique une opposition mondaine mais résolue.

Plus bas socialement, les classe populaires travaiilent assez dur, mais sont souvent endettées, et redoutent plus encore que les bourgeois les effets d’un « blocus » occidental.

Simone L. dresse, par témoignage et conversations interposés, un réquisitoire assez sévère contre le Parti Baas, sclérosé, dépassé, corrompu. La corruption, c’est d’ailleurs, avec  l’incivisme, le mal endémique de la société syrienne, une corruption imposée par les puissants, et acceptée par les fonctionnaires, et pratiquée à tous les niveaux de la société, les plus modestes construisant par exemple leur maison sans autorisation. Notre « correspondante » rappelle d’ailleurs que Bachar al-Assad a pris de vraies mesures contre cette plaie, licenciant des centaines de responsables à des niveaux divers. De même que c’est li qui a ordonné, à Alep, la construction de logements pour les gens modestes, jeunes et retraités.

Quant à l’incivisme, il ne caractérise pas que les nantis : à tous les échelons, beaucoup fraudent, les plus pauvres piratant au vu et au su de tous, l’eau et l’électricité. Et dans cet Etat soit-disant répressif et fliqué, les fonctionnaires – administratifs ou policiers –  sont contraints le plus souvent de fermer les yeux. Au point que Simone entend ses concitoyens se plaindre à longueur de temps du désordre ambiant : pas mal, là encore, pour un « Etat-policier » !

L’un dans l’autre, et selon Simone L., la vie est agréable à Alep, dont les habitants pour la plupart espèrent un retour au calme et à la normale : même pendant le ramadan, on profite de la vie dans les très nombreux bars et restaurants ouverts tard la nuit. Et on ne manifeste pas ! Simone voit d’ailleurs – et la quasi-totalité des Alépins avec elle assure-t-elle – dans l’actuel mouvement de contestation, un « cauchemar ». On a des raisons de penser, chère Simone, que ce cauchemar est en train de s’estomper…

 

Alep : la citadelle du Xe siècle

Alep : la citadelle du Xe siècle

Ramadan d’août 2011

Un  mois d’août tout entier passé à Alep  une nouvelle fois  puisque j’y séjourne deux ou trois fois par an. Nous y avons une ancienne maison dans la ville ancienne d’Alep inscrite au Patrimoine mondial de l’Humanité. C’est aussi pour cette  demeure ombragée de jasmins et de bougainvilliers exubérants que je me rends régulièrement en Syrie, et depuis des années, dans ce quartier très populaire tout proche de la citadelle et du souk.

Alep, en ce mois d’août et de ramadan marqué par très grande chaleur, reste toujours aussi calme, impassible comme  lorsque j’y étais, pendant un mois et demi, au printemps et même  si, à chaque  vendredi à la prière d’après le jeûne, on nous annoncera par médias occidentaux interposés branchés en permanence sur les infos de ce très étrange  OSDH, le grand et définitif soulèvement  qui  embrasera Alep, la «volcanisera» et sonnera l’embrasement de la Syrie tout entière.

Au coeur de la ville ancienne, tout autour de la citadelle et dans le quartier des souks où nous séjournons, nous ne constatons jamais aucun changement ni dans l’attitude des habitants ni dans leur façon de vivre.  Ce quartier est toujours aussi animé, bruyant, parcouru par d’infatigables motos Suzuki qui transportent les ballots de tissus fabriqués dans les ateliers, les marchandises presque toutes arrivées de Chine : cette partie d’Alep travaille avec l’Asie, l’Inde mais surtout la Chine.

 

Le grand hôtel Dedeman : le tourisme est une zone provisoirement sinistrée...

Le grand hôtel Dedeman : le tourisme est une zone provisoirement sinistrée...

Déficit touristique

A l’heure de la prière (le quartier compte une dizaine de mosquées anciennes, historiques, plus de cinq à proximité de notre maison), les hommes, souvent en galabiyés blanches en été, se pressent en foule vers leurs lieux de culte préférés. Et  la nuit, des tracteurs évacuent les tonnes de matériaux qui encombrent les nombreux chantiers de rénovation de bâtiments antiques qui doivent redonner vie à la ville ancienne et devaient accueillir ces étrangers toujours plus nombreux. Mais en ces mois calamiteux, ce qui frappe c’est la terrible absence des étrangers, des touristes. Ils manquent  terriblement à tout ce quartier si ancien mais qui vivait finalement à l’heure internationale une partie de l’année. Ces étrangers passaient tous par ce quartier incontournable. Les ruelles du grand souk sont désormais revenues à leur clientèle ordinaire :  femmes bédouines en groupes, habituels acheteurs, quelques étrangers quand même qui pour des raisons de travail  sont encore en Syrie. Juste avant le ramadan, et ouvert tard la nuit pendant le jeûne, le souk va retrouver pourtant son habituelle fébrilité, heureusement ! Mais dans leurs petites boutiques – bien connues des visiteurs de la Syrie -, dans celles qui se consacraient plutôt à cette clientèle saisonnière, c’est l’accablement, la tristesse  et l’incompréhension. Les commerçants m’interrogent : « Mais que leur veulent  Sarkozy et Djioupé (Juppé et « jouppa »jupe mot d’origine arabe) ? La solitude des marchands et artisans traditionnels du petit Khan Chouné  fait encore plus peine à voir. Depuis des années j’y ai mes habitudes. Assise  dans l’allée opposée à la citadelle, quelquefois sur un ballot de coton ou un tas de tapis, presque chaque après midi, j’observe en temps « normal » le va et vient des touristes en bavardant avec mes amis : le jovial égyptien réparateur de tapis, les jeunes frères  tisserands de linge de bain ou le fabricant  de courtepointe qui a toujours du travail parce qu’il travaille pour une chaîne de magasins hollandais ; au printemps et en août nous y serons seuls. Et presque toutes les boutiques sont fermées. Ce n’est même plus la peine de les ouvrir et en plus, avec le ramadan et en août, aucune chance de voir revenir cette clientèle ! les revenus du tourisme pour 2011 se sont bel et bien envolés. Des boutiques sont à vendre.

A quelques pas, les cafés de la citadelle ont encore leurs clients mais ce sont les « accros » à la pipe à eau : ce narguilé que tètent tout aussi goulûment nombre de femmes et bien trop de jeunes Syriennes Il y vient encore les gens d’Alep qui fréquentent de plus en plus les lieux en soirée, tard dans la nuit, tandis que les familles du quartier investissent la grande place piétonnière depuis peu,  enfants compris qui  en ont fait leur terrain de jeu.

Quand nous quittons ce quartier d’affaires, de mosquées et de vie, prudentes malgré tout – mes filles ou des amies m’accompagnent – et  avant de nous lancer dans ces déplacements « à risque » paraît-il et qui nous valent de réguliers coups de fils alarmés de nos amis de France ( !!!), nous nous téléphonons d’un quartier à l’autre pour aller aux nouvelles. Régulièrement la réponse nous  rassure : « rien »  ou… des rumeurs : incidents sans suite, souvent juste des affrontements brefs entre pour et contre… En tout cas c’est ce qui me revient et  ce que nous constatons.  Pas de témoignages visuels mais  surtout des «on-dit ». Par exemple, cette manifestation annoncée un soir Place de la poste, mais mon amie qui l’a traversée justement en voiture n’a rien observé. Une de ses amies a aperçu un homme avec un bâton traversant la rue mais  entraîné par les passants hors du chemin des voitures. La rumeur parlant de personnages armés de bâtons et de couteaux et voulant obliger les gens à participer à des manifestations était récurrente en mai. En juin, des individus avaient ainsi menaçé les gens du souk et du quartier chrétien d’Azizié). En août, c’est le calme, et l’organisation puis l’observation de ramadan qui prévalent, sur fond bien sûr de tristesse et d’inquiétude…   

Alep très tranquille mais très inquiète

Alep, donc, je la parcours en toute tranquillité, en ce mois d’août ordinaire malgré la chaleur. Mais en tenant compte des aménagements d’horaires pour cause de ramadan et du moment de fin de jeûne. Je vais  en taxi ou à pied, et de jour et de nuit, des quartiers nord à ceux du sud et dans tous les sens pour des motifs divers : visiter des amis, faire des courses y compris à l’excentré « mall » – le grand centre commercial qui contient aussi le super-marché Carrefour, avenue de Gazientep – voie rapide qui relie Alep à la ville turque  frontalière. Il me faut encore aller à la banque et au quartier chrétien d’Azizié, me rendre aux divers et très nombreux cafés et restaurants, ici ou là, et dans tous les coins de la ville découvrir les nouveaux lieux de rencontre, me rendre à la piscine – elles sont nombreuses à Alep ou en périphérie, mixtes mais avec aussi des jours réservées aux femmes. Les piscines, de toutes catégories, sont  très populaires et très fréquentées surtout pour la  jeunesse alépine.Ordinaires ou luxueuses, elles sont situées dans les murs ou hors des murs sur la route de Damas et même assez loin, dans le nouveau centre aquatique – Les Palmes – à quelque  trente  kilomètres du centre ville.

Si comme au printemps, et comme en ces jours d’avant et de ramadan, je n’ai jamais vu le moindre rassemblement, par contre mes interlocuteurs alépins s’inquiètent de ce qui se passe à Hama ou Homs et dans le mohafaza de Hama et d’Idleb, et avec raison : les deux villes sont sur le nœud essentiel routier et autoroutier qui fait communiquer le nord et le sud, et aussi l’est vers Deir ez zor  et l’ouest (la côte). Les autoroutes relient Alep à sa capitale Damas – dont Alep dépend encore beaucoup pour ses liens avec l’administration même si elle a intensifié ses relations avec la Turquie ; ces voies vont de Damas et d’Alep à la côte et ses ports : Lattaquié et Tartous. D’où d’ailleurs l’intérêt, sans doute, pour les organisations de la contestation de tenir ces points stratégiques afin de ralentir l’activité économique de la Syrie.

De mauvaises et anciennes habitudes

Alep qui ne manifeste pas est ainsi isolée, ou ses relations avec le reste du  pays sont entravées sauf en direction de  la Turquie où même par la zone kurde, le passage reste possible !

Les communications avec le reste du pays n’étant  plus considérées comme sûres, les relations sont réduites même si autobus, taxis et véhicules privés s’adaptèrent vite ou trouvèrent des itinéraires plus sécurisés. les voyageurs privilégièrent aussi les déplacements par avion. Une amie alla pourtant fin juillet à Beyrouth sans encombre ; une autre  franchit la frontière turque par Bab al Awwa fin août avec ses enfants et sans autre ennui qu’une longue  fouille de sa voiture par les douaniers turcs.

Il est vrai que, en ces temps de désordre, les trafics en tout genre notamment d’armes (très lucratifs) ou de mazout  habituellement importants aux diverses frontières – Dera’a (avec la Jordanie) ; Tell khalak (Liban) et la zone des frontières turque et irakienne – se sont intensifiés. Les fonctionnaires ne sont plus respectés et sont menacés (à Alep par exemple et partout  en Syrie, les constructions illégales, sans permis et titres de propriétés prolifèrent en ville avec ajouts d’étages y compris dans la vieille ville ou sur les terres agricoles aux alentours). Ces arrangements avec les notables locaux se faisaient déjà avant. Ce n’était pas  sans risques. Ces entorses à la loi courantes relevaient de la corruption habituelle mais engageaient les deux parties. Elles profitaient surtout aux  classes aisées même « démocrates et élevées à l’occidentale « . Cela ne les gênait pas même quand l’eau de leurs piscines était puisée  dans la nappe phréatique. Les fonctionnaires des municipalités, souvent de milieu modeste, étaient bien impuissants pour faire respecter la loi  quand ils en avaient la volonté. Ils sont  encore plus  impuissants aujourd’hui et par peur de représailles déjà constatées dans toute la Syrie. Il se fait aussi un  important trafic de mazout vers la Turquie, par exemple, où les carburants sont plus coûteux, et ce qui provoque des pénuries, obligeant, comme je l’ai constaté aux  stations services de la ville, les véhicules de transport  lourds à des file d’attente d’une longueur toute relative mais nouvelles en ce mois d’aout.   

Et c’est aussi cet état aggravé de violation du droit et des lois, la peur du chaos et de l’augmentation de la délinquance qui assurent son  soutien populaire à Bachar al Assad. 

Pourtant aux entrées de la ville d’Alep, il n’y a que des contrôles assez désinvoltes, un seul d’une quinzaine de minutes. Il provoque un ralentissement de la circulation un vendredi soir quand tous les Alepins regagnent la ville après s’être dispersés dans les maisons de campagne ou les sites de pique-niques sous les pins dans les environs. Il y bien aussi quelques voitures de police aux deux grands carrefours : vers  l’ autoroute sud sur la route de Damas et au grand carrefour de Liramoun, d’où part l’autoroute – par l’avenue de Gazientep déjà nommée – vers la Turquie et la route qui au loin rejoint Raqqa, l’Euphrate et la steppe. Les fouilles des coffres de véhicules à l’entrée du parking du  centre commercial à plusieurs étages et du magasin Carrefour, et qui avaient eu lieu au printemps, n’étaient plus de mise en août. Ces magasins à l’approche du et pendant le ramadan étaient ouverts souvent après minuit et  très fréquentés. Ils sont de plus un lieu climatisé de shopping, de promenade  et de lèche-vitrines élégantes (les mêmes que dans nos capitales, à Dubaï et  et  en Turquie).

Alep et sa banlieue : gens de Sourrour, Baïdin  Bab  Nerab et  autres  …

Il y a aussi, tout comme à mes précédents séjours, mes trajets en toute sécurité en Suzuki ou en voiture dans les quartiers informels, périphériques ou semi périphériques nord-est. Ces quartiers considérés par les citadins des quartiers traditionnels plus organisés ou de ceux très modernes du nord nord-ouest, comme rebelles, ignorant les lois et déconseillés aux non initiés. Les  familles y sont toujours très nombreuses (une spécialité syrienne où il est courant qu’une dizaine de personnes ou plus cohabitent sous le même toit : couple + 4, 5 ou plus enfants et grands-parents). Les plus précaires vivent dans des bâtisses  construites en parpaings en hâte et sans autorisation. Branchées légalement ou illégalement sur le réseau électrique et d’eau, toutes ont leurs antennes paraboliques et  peuvent très vite se transformer en véritables villas ou immeubles cossus comme on en voyait et depuis des lustres dans le célèbre et turbulent  quartier de Bab Neyrab. Autrefois connu surtout pour ses vastes entrepôts voûtés où s’entassaient la laine brute et  autres produits de l’importante filière du textile et de l’élevage syrien, dont les peaux, Bâb Narab est aujourd’hui en pleine restructuration et se veut honorable ! De ces quartiers lointains viendront par exemple les  enfants de ces familles débrouillardes et courageuses qui en plus du commerce licite ou illicite, vivent de  petits travaux divers ou de récupération. Dans mon quartier de la citadelle, ils récupèrent les emballages en carton entassés au soir à la porte des ateliers et des boutiques du souk. Tous les garçons sont là auprès de leur père, après l’école si ils y vont, et très tard dans la nuit en ces jours de vacances. C’est en tout cas ce que m’expliquent ces gamins polis, souriants et  très  responsables qui aiment me raccompagner jusqu’à ma porte.

La rue d'Alep

Dans certains de ces quartiers mal vus des « bourgeois alepins » qui ne s’y rendent que pour affaires pressantes, cohabitent, me raconte mon accompagnateur qui travaille dans le bâtiment, des gens de toutes origines : des familles de grands négociants d’ancienne origine, propriétaires d’entrepôts et commerçants de longue date y compris à l’international, des gens venus de tous les horizons et de toutes origines ethniques. Ce sont aussi les quartiers où subsistent, à la frange de la cité et de la campagne, des   tribus –les Ashirés. On m’explique que ce ne sont pas vraiment de grandes tribus d’Alep ou de la région, les Hadidiyin, Sba’a, Fedan etc, qui nomadisent ou sont plus ou moins sédentarisées dans la « badiya » ou installées dans la « ma’moura » (zone intermédiaire ; désert-zones cultivées). Ce sont plutôt des sous-tribus paupérisées comme les Beggharas (« éleveurs  de vaches »), pas vraiment  structurées avec des chefs respectés, mais plutôt de pauvres groupes de familles, installées autrefois à la lisière des villes et en relation avec la campagne, aujourd’hui presque dans la cité, mais mal  intégrées à la vie citadine et suscitant toujours la défiance des « vrais citadins du centre ». Ces derniers redoutent ces populations à la réputation de rebelles. Ils le furent à différentes occasions. On peut, aussi, y recruter les jeunes hommes frondeurs et désoeuvrés devenant des sortes de mercenaires payés par « qui paye » pour surveiller ou pour casser  ( !) De là viendraient ceux que l’on désigne comme les Chabbiha.

Dans l’un de ces  quartiers, je retrouve, moi, les ferrailleurs et les récupérateurs de pierres taillées, de boiseries, d’éléments de décors divers arrachés aux anciennes maisons en démolition ou écroulés sous le  poids non des ans mais de très nombreux siècles, bref tout ce qui  doit restaurer ma maison. C’est le  quartier de Baydin proche de  Sourrour et « Holhok ». Si je  sais y aller, accompagnée d’artisans qui y trouvent les matériaux réemployés dans les nombreux projets de réhabilitation de la ville ancienne, j’ignore comment on écrit leur nom. Par contre je m’y rends toujours sans aucun sentiment d’insécurité.  Quand on s’intéresse à son travail, à son activité le  peuple syrien, les artisans en particulier mais encore les marchands, tous  sont d’une incroyable affabilité, dignité et loyauté.

Le quartier de Sourrour fit pourtant, en août, parler de lui y compris à l’international. Mais ça resta le seul incident sérieux dont j’entendis parler et qui inquiéta les Alepins. Un jour de la mi-aout on y dénombra en effet six  morts à l’occasion de ce qui fut présenté comme un début de  révolte sans doute sur France 24 ou al-Jazeera. La rumeur parla plutôt, et dès le lendemain, d’affrontements entre deux clans – chose  récurrente en ces lieux, et qui en restèrent là.

Il se trouve que cet événement se passa la veille d’une invitation pour la fin du jeûne dans une famille de ma connaissance et très, très musulmane ; une des quelques familles contestataires avec lesquelles j’ai discuté de la révolution ! Je reviendrai sur ces échanges autour du mot-clef « houria » (la liberté). Le chef de famille, un commerçant homme d’affaires très aisé, m’affirma que l’affaire de Sourror était le signal que la contestation allait – enfin – gagner Alep. « Et je t’assure que les prochains jours vont être.. ». Et il me fit le geste d’une explosion ! C’est ce soir-là aussi que je constatais l’implication et l’organisation des Frères musulmans dans ce mouvement et du rôle des musulmans  de Turquie : des membres de cette famille étant très actifs à Istanbul – Il faudrait ici discuter du rôle et de la complexité de la position turque face à la Syrie alors que dans le même temps à la mi-août la Turquie allait détruire des bases kurdes en Irak.

En fait rien ne se passa ni ce soir, ni les jours suivants à Sourrour ou ailleurs dans la ville. Et pas plus en ces jours d’après ramadan. En tout cas, je suis  sûre que peu de ces spécialistes qui parlent de la ville d’Alep ou  de la Syrie se rendent souvent à Sourrour, « Baïdin » ou « Hohlok ». Pourtant au printemps, en ce dernier lieu, il flottait un fort mais délicieux parfum de fraises car on  découvre aussi dans ces quartiers informels, et tout au long des rues ou des ruelles, d’importants marchés aux fleurs ou de produits frais venus tout droit des campagnes environnantes. Il s’y trouve aussi, mais plus près de l’aéroport, des grands entrepôts, de vastes hangars de stockage de produits locaux ou internationaux, des usines de transformation et même des entrepôts réfrigérés modernes pour la viande ou le poisson et les autres produits de l’agro-alimentaire syriens ou d’importation.

Pour ces seules raisons de restauration de notre maison, donc, je me rends souvent et toujours avec plaisir et curiosité dans ces quartiers périphériques. On m’y connaît comme « l’ingénieur » que je ne suis pas et j’y suis toujours bien accueillie. Et si je ne m’y rends pas seule, c’est non pas parce que j’y serais en danger mais parce que je ne suis pas « apte à bien négocier » le prix des matériaux anciens que je repère.

Immobiler & corruption

Il faut ajouter encore qu’un jeune ami architecte – d’origine syriaque mais musulman, c’est cela aussi la Syrie  ! – m’expliquait que ces quartiers faisaient depuis quelques années l’objet de travaux d’équipement. On y accède par un dédale de rues et ruelles toujours très encombrées mais aussi par de grandes percées à partir de Liramoun en direction de l’aéroport et de Raqqa, voies larges  et doubles dans un décor assez dénudé et avenues poussiéreuses, certes, mais traversant une zone d’aménagement où s’élèvent des alignements d’immeubles collectifs, bien bâtis, et destinés, sur ordre du Président, aux jeunes ménages, aux célibataires et artisans que la rénovation de la ville ancienne et des quartiers qui la bordent doit déplacer et reloger…

Se loger à Alep  était devenu au fil de ces dernières années un problème très difficile. Il l’est toujours, ce qui retarde le mariage des jeunes, et s’ajoute aux dépenses lourdes. C’est une cause majeure, avec les dépenses de maladie, de  l’endettement de ces familles nombreuses. Les multiples unions le plus souvent arrangées  pour renforcer le clan sont très coûteuses. De plus, à Alep mais comme partout, la spéculation immobilière va bon train. Elle alimente la colère de la population modeste contre les affairistes qui, souvent, étaient à la tête  des municipalités, ou de mèche avec les gens du régime, et en profitent  pour acheter à bas prix les terrains qu’ils savent destinés ensuite à des projets immobiliers qui feront très avantageusement monter les prix. Peu de mois  avant les événements syriens, le gouvernement entreprit dans tous le pays et aux zones frontalières une grande opération de nettoyage. Des centaines de fonctionnaires y compris des villes et des douanes se retrouvèrent démis de leurs  postes. Certains, en raison de liens particulièrement étroits avec le parti évitèrent le pire : beaucoup se retrouvèrent en prison ou obligés de rendre  des comptes !

Mais si l’interdiction  soudaine et brutalement notifiée de s’enrichir en rond, l’obligation  de  respecter un tant soit peu les lois – ce qui ne se faisait plus depuis longtemps dans trop de  chasses gardées et avec l’aide de quelques notables bien en place issus  de clans, proches  du  parti ou de familles connues –  et la récente opération « mains propres » très médiatisée firent plaisir aux citoyens ordinaires et leur redonnèrent un peu d’espoir, elles suscitèrent par contre et certainement de brûlants désirs de vengeance dans les zones- frontières comme dans les villes syriennes en pleine expansion démographique. Hama et Homs sont de celles-là qui, en quelques années, passèrent du statut de gros bourgs ou  de villes poussiéreuses à celui de cités étendues à innombrables quartiers très modernes, aérés, cossus, en pleine extension et bien desservis par un réseau dense de routes importantes.

Alep Syrie

Désordre civique et  laissez-aller : l’inquiétude des Alépins et autres Syriens  

Si les quartiers plutôt défavorisés sont  toujours aussi animés et super actifs comme je l’ai constaté,  ils n’ont pas  changé d’aspect non plus en ces temps de bouleversements. Il en va différemment en centre ville. Les commerçants installés dans les quartiers autour de la Grande mosquée et dans tous les quartiers centraux se plaignent : les gens descendus de ces quartiers sont, disent-ils,  responsables de l’anarchie nouvelle des marchés, du  désordre et de la désorganisation qui  sont  installés dans la ville. L’administration d’Alep étant paralysée, tétanisée par peur des représailles, des étals illégaux et innombrables de marchandises bon marché mais encore de fruits, légumes ou objets de récupération  occupent  désormais  tous les trottoirs des avenues et  les rues piétonnières. Ils débordent sur la circulation et laissent en fin de vente pas mal d’immondices. Et les produits ne sont plus contrôlés. Les fonctionnaires chargés de faire respecter les règlements sont menacés. On me raconta plusieurs anecdotes ; et j’ai été témoin de faits surprenants pour l’étranger. Un chauffeur brûla – mais c’est presque normal en Syrie- un feu au  carrefour encombré de Bab Jedid, près d’un grand marché.  le policier qui le siffla vit le chauffeur venir  le menaçer :  « Non mais c’est fini tout cela, tu ne va pas nous e.. avec tes lois comme autrefois ! » Et toute la ville de soupirer qu’il n’y a plus désormais d’ordre : nizam – plus d’organisation ni de loi – kanoun. Et plus d’éducation ! Un chauffeur de taxi  amer concluait : « Ils veulent la liberté sans la loi  et d’autres la loi sans liberté, ils parlent  de liberté  et personne ne sait ce que veut dire Houria (liberté) ».

Alors qu’installée dans un taxi, je reproche au chauffeur  son peu de respect du code, celui-ci se retourne et en riant me dit  : « Ici, en Syrie, on a plus  de liberté ( Houria) que chez vous en Europe où tout interdit (mam’nou). Nous on fait ce que l’on veut »… Effectivement, ensemble,  nous fîmes pendant un trajet assez long le compte des libertés : trois gamins avec leur père sur une moto, étal posé  sur  la chaussée, irrespect du code, etc, etc…Arrivée à destination, je sors du taxi.Six femmes   et enfants –oui !- s’engouffrent à ma place. Je me penche à la fenêtre du véhicule bondé et lance « défendu ! » Tout aussitôt et hilare, le chauffeur me répond « Houria ! »  ,

Houria, houria mais  après ?

Ce mot « houria » est aujourd’hui en Syrie de toutes les conversations et donne  lieu à des discussions parfois amusantes. Alors que nous en étions au  café – et aux fruits – d’un plantureux repas de fin de jeûne, la conversation d’une très grande famille très musulmane en arriva à cette  revendication de liberté  exprimée très vigoureusement par les chefs de famille : des hommes encore jeunes, entrepreneurs et commerçants. Dans cette famille, toutes les femmes et filles sont voilées. Aucune ne peut sortir sans autorisation ou non accompagnée. Aucune n’est autorisée à travailler. Une petite fille du patriarche qui, de condition modeste, est devenu un homme d’affaire connu, est  mariée à un garçon plus libéral. Elle se plaint à nous de ne pas pouvoir aller à la piscine y compris à celle « du jour des femmes » et cela parce que son père, lui, s’y oppose quand son mari laisserait faire. Il faut dire aussi que cette famille aisée possède une maison de campagne agrémentée, comme très souvent  en Syrie, d’une grande piscine–jacuzi, où se baignent à grand plaisir les hommes de la famille, tous les garçons quel que soit  leur âge et les petites filles – moins de 10 ans – elles aussi en maillot de bain, et qui toutes nagent parfaitement ! Les femmes et les filles plus âgées regardent. Si elles se risquent dans l’eau bien qu’elles sachent toutes nager, c’est habillées et strict foulard sur la tête ! Mais ces femmes par ailleurs n’ont pas leur langue dans la poche et leurs revendications sont constantes. Leurs  époux s’en plaignent amèrement. C’est le sujet principal de leurs conversations mais, comme partout, à Alep et avec la composition des repas pris ou à venir !

Donc à propos de « houria » l’une d’elles s’indigne « Houria mais pour nous aussi. Vous nous l’accorderez la liberté ? »

-« Mais vous l’avez la liberté ! C’est vous qui vous voulez comme cela » rétorque un des maris. « Vous  faites ce que vous voulez ! D’ailleurs  vous êtes plus gâtées que les Européennes. Vous êtes exigeantes et c’est nous les hommes qui assumons tout ! « 

-« Bien sûr  nous avons la liberté d’aller de la cuisine au salon et retour ! » Ensuite  la discussion s’envenime sur l’importance des événements et provoque une  scission dans la famille. L’un des plus jeunes  frères se lève et déclare : « D’ailleurs Al Jazeera ment. Je  suis passé à Jisr al Jouggour (la famille a une maison dans la montagne) et ce n’est pas du tout comme ils l’ont raconté  maintenant, c’est calme ! »

Je raconte la revendication de ces Syriennes à une amie qui connaît bien sa société. Elle m’explique :  «Ici en Syrie la plupart des femmes qui disent qu’elles n’ont pas de libertés, c’est que cela les arrange et que finalement elles préfèrent rester à la maison et se décharger de tout par facilité, parce que avec un peu de volonté, elles  peuvent décider de ce qu’elles veulent pour elles ». La société, depuis longtemps l’admet ; la loi les aide. Et en effet, nombre d’elles travaillent, à tout niveau, et sans problème. Mais la conversation avec les membres d’une grande famille musulmane très conservatrice où d’autres proches  sont, eux, très libéraux, nous montre une fois de plus, au cours de notre séjour et de conversations diverses, à quel point rien en Syrie ne fait l’unanimité. Tout y est complexe  y compris dans ces familles organisées, pourtant, en clans très solidaires liés par des mariages arrangés visant à les protéger et le fortifier !

En ce qui concerne la contestation, si quelques-uns sont actifs, beaucoup sont perplexes et attentistes mais peu désireux de bouger pour défendre le régime. Pourtant il y eut de grandes manifestations « pour » et la citadelle est maintenant ceinturée par un large drapeau  syrien ; mais  beaucoup  sont  dans l’expectative et  ils sont fatigués surtout de la main-mise du parti Baath sur toutes les activités alors que ce parti est considéré comme improductif, lourd et ses structures inadaptées .

A mon avis la  corruption est servie  aussi par la composition de cette société et comme partout par l’avidité et l’égoïsme des nouveaux riches, leur total manque de sens civique, leur incapacité à être un modèle pour les classes intermédiares. Dans leurs quartiers de plus en plus luxueux, isolés et protégés, ils sont  dans leur monde. Ils sont étrangers à leur pays et indifférents, ailleurs. Leur modèle c’est Beyrouth et mieux Dubaï ! Ils rêvent de se les récréér mais pour eux et en petit comité. Et ils sont complètement incultes, ignorants, indifférents totalement  des problèmes qui agitent le monde et plus  encore de leur pays ou de leur région. Damas, le parti, ils s’en servent sans adhérer. Ce  n’est pas du tout le cas d’une autre bourgeoisie plus récente, plus contestataire, moins attachée au modèle occidental et plus  aux  valeurs traditionnelles et plus spécialement à celle de l’Islam :  un Islam qu’ils veulent plus ou moins ouvert selon les familles. C’est aussi une partie de la société qui se dit non corrompue et sûre d’avoir fait sa fortune en marge des sphères du pouvoir et de l’allégeance au parti.

Et le parti ?

Des jeunes  syriens diplômés et déjà au travail, rencontrés dans un des bars de la ville, m’expliquent que  les cadres  de ce parti Baath ne sont même plus compétents, incapables de comprendre les changements du monde, vieillis, dépassés ; même plus capables, me dit encore l’un d’eux, d’encadrer la jeunesse. Ce sont les organisations musulmanes qui s’en chargent et c’est cela qui pose problème. Un autre de ces jeunes, étudiant en informatique, ajoute  à propos de la complexité de sa société : « Nous les jeunes, nous ne  nous soucions  pas des confessions et nous voulons vivre tous ensemble. Ce sont nos parents, notre société  qui s’opposent au changement  tout comme ce parti qui  n’a plus assez de crédibilité pour faire bouger les choses. Et par tous, nous sommes coupés du monde, de la créativité, des nouveautés ce qui nuit à notre futur, à notre travail. Nous restons en retard. Heureusement que nous avons internet. Il faudrait tout miser sur  l’éducation. Relever le niveau… Quand je suis chez moi, je suis comme mort et quand je suis devant mon écran je suis dans la vie… ! « 

 

A Alep, comme dans le reste du pays, église et mosquée cohabitent

A Alep, comme dans le reste du pays, église et mosquée cohabitent

 

Mais à Alep, pendant le ramadan, la vie nocturne continue  :

Les jeudi soir, vendredi, samedi et dimanche (les week-ends syriens musulmans et chrétiens se complètent)  sont particuliers. Plus encore que d’habitude je parcours la ville car mes amis sont  libres et je vais de la citadelle  aux quartiers ouest et retour, ou des quartiers dits musulmans à ceux plus souvent désignés comme chrétiens encore que ces désignations ne sont plus aussi rigoureuses. Dans le quartier arménien actif et dense, je retrouve  des amies dans les cafés et restaurants très modernes et très fréquentés en journée. Même si partout en Syrie on peut se restaurer à tout heure et boire aux terrasses  y compris en période de ramadan et y compris en ces périodes troublées, les établissements sans distinction de religion s’animent en soirée et jusqu’à l’heure du premier repas de la journée et de la première prière. En ce mois d’août, je peux donc avec mes amis profiter de la vie nocturne alepine juqu’à des deux heures du matin. Sauf en hiver où cette vie se calme car la nuit tombe tôt, le  temps est pluvieux ou très froid et les Alepins sont frileux, les Syriens, et surtout  les Syriennes, adorent sortir. Tous les prétextes sont bons : fêtes de fiançailles ou de mariage innombrables pour les femmes qui à toute heure, le plus souvent voilées mais soigneusement maquillées et en habits de soirée sous le long manteau, se déplacent en groupe ou s’engouffrent à plusieurs et même à des heures tardives dans des taxis, ou dans des voitures qu’elles conduisent ou que des hommes de la famille tiennent prêtes au lieu de leur réunion.

Il y a le regroupement de jeunes  à la terrasse des cafés où beaucoup, filles comme garçons, s’adonnent au plaisir vénéneux du narguilé (en Syrie on fume avec passion et sans raison). Il y a encore les repas en famille ou entre amis dans les restaurants. Et aussi tous les soirs dès que le temps le permet – comme en ce mois très chaud –  les pique-niques très populaires et décontractés le long des boulevards ombragés de la périphérie d’Alep, dans les jardins et en tous lieux un peu aérés de la ville. La nuit, le vent se lève et enfin on respire ! Les vendeurs de boissons ou les prêteurs de narguilés installent des chaises (payantes) en plastique fluo sur les bord des avenues. Signalées de guirlandes lumineuses, les petites terrasses ainsi délimitées sont prises d’assaut une heure ou deux après la fin du jeûne et jusqu’au repas du matin. Les enfants s’endorment sur les nattes et les adultes discutent, dînent, fument, se reposent de la chaleur étouffante du jour. Quand par les médias nous arrivent des nouvelles toutes plus atterrantes les unes que les autres sur une Syrie tout entière terrée et terrorisée, ces groupes paisibles semblent être d’une autre planète. Mais c’est peut-être, aussi, l’occasion de faire  comme avant, de ne rien changer  et de se mettre en retrait, d’ échapper pour quelques heures encore à l’inquiétude et aux peurs qui taraudent désormais l’esprit de tous les Syriens. Encore que… rien dans ces  lieux de détente ne soit différent des années passées. Il y a même plus de chaises et plus  de guirlandes et la location y compris par téléphone de narguilés à la terrasse de son domicile ou sur le terre plein de carrefour investi par la famille est encore mieux organisée !

Fin août. Le départ mais par pour tous !  

Alors que j’observe cette  paisible, impassible  société alépine  au long des places et boulevards animés pris d’assaut par les couches les plus populaires de cette société mille feuille, je dois pourtant faire un effort, me pincer  pour me rappeler que cette Syrie est peut-être naufragée, menacée d’éclatement, de conflits inter-communautaires, interconfessionnelles, de guerre civile même. C’est encore plus incroyable alors qu’installée dans l’un des trois restaurants à la mode sur  la haute terrasse très fréquentée de l’hôtel Carlton ouvert depuis quelques mois en face de la citadelle, j’assiste  assez stupéfaite à l’arrivée, dans de luxueuses voitures, de clients visiblement extrêmement aisés : grands commerçants, hommes d’affaires, cadres supérieurs descendus de leurs luxueux quartiers ou des grandes villas et résidences de l’ouest ou de la route de Damas. Mais je sais aussi que nombre de ces clients  et leurs très élégantes femmes ont déjà prévu de partir à l’étranger. L’atmosphère en Syrie est devenue  délétère et les ennuie. Alors certains prennent le large. Les Syriens aisés comme les Libanais vivent à l’international. Le problème dont j’entends parler, aux tables de ce restaurant comme sur les bords de la chic piscine du Blue Lagoon, est la scolarisation des enfants aux Etats-Unis, ou ailleurs. Il se murmure que l’Ecole française, par représailles de la France, n’ouvrira pas, que les enfants seront à la rue, obligés de chercher des places ailleurs ; d’ailleurs il se dit aussi que le consulat français, le plus  ancien des consulats en terre d’Orient,  va peut-être fermer et l’ambassade de Damas aussi.

Il n’y a déjà plus d’agence culturelle. La francophonie était déjà en perte de vitesse y compris au Proche-Orient. Sans ressources elle était sponsorisée  par ces Syriens aisés. Mais comment faire pour les visas, les documents utiles aux Franco-syriens ou aux « étrangers » syriens quand l’Allemagne et l’Italie ont déjà  fermé boutique ? La grande  bourgeoisie francophone d’Alep en ce mois d’août panique. Pire, leurs avoirs à l’étranger sont prisonniers des banques US .  l’Amérique menace de jouer avec leurs cartes-visa. Et elle  va le faire… y compris pour les citoyens lambda qui n’ont rien à se reprocher mais qui ont besoin de leurs cartes et de leurs « sous » bien  à eux, en euros ou en dollars, pour leurs voyages d’affaires en Europe. Mais pour l’Occident qu’importe : il est tout occupé à faire les comptes des avoirs libyens et à estimer les économies à faire en remplaçant les quelques barils de pétrole syrien pas très pur par du bon pétrole ex-Khadafi. Mais  ces Syriens aisés n’en sont pas à manifester pour ou contre. Non, on choisira… la fuite ! Dans l’avion syrien du retour il y a déjà de ces familles aisées qui ont sorti par habitude griffes et marques de luxe pour voyager. Elles  détonnent un peu ! Avant, elles voyageaient par Air France. Elles vont se mettre pour un temps au vert. Quelques dames très aisées issues de  familles connues qui, devant moi  rêvaient, en 2010, de  reproduire  Versailles dans leur maison de campagne syrienne ont choisi l’exil à Beyrouth. Elles y affichent leur opposition à un régime qu’elles ne « supportent plus » ( ?)  D’autres déjà en exil, installés depuis des années à l’étranger mais qui chez nous, à Paris par exemple, parlaient abondamment du monde arabe, s’affichent avec BHL, avec le gratin des partis de gauche français et se voient déjà, en cravate et costume  grave, gravissant les marches de l’Elysée pour serrer la main amicalement tendue du chef de l’Etat : Chefs d’une opposition rétribuée, subventionnée ! Les commerçants et les  industriels plus traditionnels et  musulmans et qui ne se posent en démocrates que parce que c’est le mot de passe, n’ont rien à perdre si la Syrie comme ils  le souhaitent, adoptent le système envié de la Turquie. Et ils s’imposent ! Et ils ont la foi ( !).  Et… ils  ont les moyens que les  premiers ont souvent  perdus, souvent parce qu’ils n’étaient que des héritiers, ou parce que leurs fils à papa gâtés et  avides de luxe n’ont pas su gérer des affaires florissantes dans les années de l’indépendance.

Les classes intermédiaires syriennes regroupent les fonctionnaires, les ruraux, les bédouins,  les artisans, les commerçants et entrepreneurs : ceux du  du tourisme notamment ou ceux qui avaient beaucoup investi dans leur pays quand dans les dernières années 2000, l’avenir économique s’éclaircissait. Ceux-là comme  les couches les plus pauvres et les plus vulnérables de Syrie n’ont pas les moyens de peser sur leur destin. Ils sont inquiets car leur vie était déjà précaire, leur vie est au jour  le jour et le moindre problème d’emploi, de  santé, de famille peut faire tout basculer. Ils sont souvent endettés : achat d’une voiture, études coûteuses, mariage des enfants. Ils savent déjà – merci Monsieur Sarkozy, Madame Clinton – que les embargos, les sanctions, toutes ces mesures prises là-bas pour aider l’opposition vont les frapper de plein fouet.

Mes amis d’Alep sont tristes, perdus, anxieux déstabilisés… Anxieux les artisans de Khan Chouné et les petits boutiquiers du souk ; anxieux les jeunes étudiants  qui venaient chez moi pour discuter et y organiser  des repas décontractés ; exaspérés les Alépins qui déjà, voulaient plus  d’ordre, de « nizam » et qui craignent l’insécurité à venir, l’installation du désordre, l’impuissance des nouveaux administrateurs plein de bonne volonté à peine installés et  aussitôt neutralisés ou déjà « achetés »…

« L’avenir  ?  On ne sait pas… On est dans le flou. On ne sait pas quand tout cela va s’arrêter… »

Bref, la contestation, à Alep, est un vrai cauchemar que tous voudraient voir s’évanouir, très vite…!

 

Simone L.

Alep Syrie



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23 commentaires à “Témoignage : Un été de calme et d’anxiété à Alep”

  1. Alexandra BIHAY dit :

    Merci pour votre temoignage, Simone, vous avez songe a nous presenter des aspects moins connus de la Syrie, pour ceux qui ne la connaissent pas ou anodins pour ceux qui y vivent…

    En ce qui concerne l’incivisme et le non-respect des lois dus aux problemes actuels rencontres par le pays, meme son de cloche a Damas : plus personne ne respecte l’interdiction de fumer dans les taxis et beaucoup ne portent meme plus leur ceinture de securite… Bien triste regression… Pour une fois qu’on etait a la pointe de la modernite !!! Nous connaissons aussi une explosion d’etals en tous genres sur  »charea Thawra », l’une des arteres principales de la ville. Ca ne risquera pas de deranger les touristes, en tout cas… Il n’y en a plus… Les inscriptions d’etudiants etrangers en arabe a l’Universite de Damas sont en chute libre : on en recense que 16 ce dernier mois… Par contre, les centaines d’etudiants du Centre Culturel Francais sont en vacances forcees jusqu’a nouvel ordre…

    Vous parlez du manque de liberte sociale… C’est evident, ce a quoi aspire une bonne majorite de la jeunesse est avant tout un  » Mai 68 » n’ayant rien a voir avec la politique…

    Je n’ai pas, comme vous, fait une enquete de terrain, mais j’observe simplement que les profils de contestataires que vous avez mentionnes sont les memes ici aussi a Damas : des jeunes peu favorises, peu eduques et proches des mouvements integristes (comme decrit, par ailleurs par le plan Bandar). D’ailleurs, quand certains sont sortis dans les rues, il y a quelques mois, ce sont les commercants eux-memes qui les ont roues de coup ; a l’epoque, on esperait encore ne pas faire fuir les touristes !!! Parmi les jeunes  »eduques », frottes a la democratie a l’occidentale, ceux qui contestaient le regime ont vite marque leur desolidarisation face au phenomene de terrorisme urbain qui a eclate depuis le 15 mars. D’autres, en revanche, jouent aux  »Che Guevara » en herbe, pour differentes raisons, comme frimer aupres des filles ou des copains. D’ailleurs, pour ceux qui ont de l’argent, le petit jeu n’est pas si dangereux, le moment venu, on passe la frontiere et on continue a polluer les reseaux sociaux de vils mensonges…

    Quant au fameux etat policier et ses mechants moukhabarat (services secrets), il ne sont pas si vilains que ca : ils laissent certains de ces petits poissons, ces petits cyber-agitateurs, passer entre les mailles du filet… Pas de quoi fouetter un chat !!!

    Et puis, en Syrie, on sait se moquer de nous-memes, de nos policiers, de nos elus et meme de nos fameux moukhabarat !!! Et oui, j’ai nomme notre serie nationale fetiche,  »De3 Daya » (le vilage perdu, si on peut traduire ainsi ?)

    Encore merci a vous, Simone, ainsi qu’ a InfoSyrie, qui nous redonne une petite bouffee d’oxygene quand on etouffe sous la propagande occidentale… Et merci a la petite communaute d’InfoSyrie pour tous vos efforts !!!

    Comme tout le monde, on fait le gros dos en esperant que la crise economique ne durera pas trop longtemps… Souvent, je me demande ce qu’aurait ete la Syrie sans le poids de la geopolitique regionale ni celui des diverses sanctions occidentales… Notre beau pays regorge de talents et de personnes extraordinaires qui ne demandent qu’a se developper… Nous sommes comme une plante fougueuse que l’on forcerait a pousser en serre sans pouvoir s’epanouir a l’air libre…  »Harram », comme on dit par chez nous…

    Mais, comme je l’ai dit, ce n’est que partie remise… Un jour, la crise sera loin, Inch Allah, et nous pourrons continuer a batir notre pays main dans la main !!!

  2. Souriya ya habibati dit :

     » D’autres déjà en exil, installés depuis des années à l’étranger mais qui chez nous, à Paris par exemple, parlaient abondamment du monde arabe, s’affichent avec BHL, avec le gratin des partis de gauche français et se voient déjà, en cravate et costume grave, gravissant les marches de l’Elysée pour serrer la main amicalement tendue du chef de l’Etat : Chefs d’une opposition rétribuée, subventionnée »

    J’adore la description que vous faites de ce gratin..
    Avez-vous poser la question aux Alepins de ce qu’ils pensent de cette « opposition rétribuée, subventionnée » que vous décrivez si bien?!
    Ah chère Madame, le cauchemar sera bientôt terminé et la Syrie renaîtra de ses cendres beaucoup plus forte.

  3. stephane dit :

    Merci pour ce témoignage simone et merci à Alexandra de votre contribution.
    N’oublions pas tout de même que les Syriens ont traversé de nombreuses crises et leur foi patriotique reste assez ancrée dans nos moeurs.
    D’ailleurs, ne nous taxe-t-on pas de nationalistes parfois de la part des autres pays arabes?
    Nous nous relèverons et tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.
    Alors gardons la Foi et construisons notre Syrie et surtout continuons à défendre notre pays contre ces attaques. L’unité reste la meilleure arme.

  4. stephane dit :

    Les Bourgeois de Damas, et sûrement ceux de Alep aussi manifestement, sont les gens les moins patriotiques que peut la population syrienne. La plupart d’entre eux ayant largement profité du régime et bâtit leur fortune sur la corruption. IL ne risquerait cependant pas un cheveux de leur tête pour sauver la Syrie. Les milliards sont déjà en lieu sûr

    • lafleuriel Zakri dit :

      Oui et de plus cette bourgeoise en plus inculte méprise parfaitement le petit peuple et tous ces artisans très actifs qui, pourtant eux font les plus gros efforts pour scolariser leurs enfants et leur donner une bonne éducation avec poursuite d’études en université sans pour autant les gâter, en faire ces petits « fils à papa » qui, pleins de morgue, s’affichent en « marques » et voiture sans respecter aucune loi et défient les policiers parce que papa… (voir aussi ce qui se passe chez nous à Neuilly peut-être..) Mais en Syrie comme dans tant de pays je le suppose où se développent ces nouveaux clans d’affaires.
      Ces bourgeoisies sont encore plus « imbuvables » qu’ailleurs car elles se veulent coupées du peuple: même les gens qu’elle choisissent pour les servir ne sont plus de leur pays et les gamins apprennent à manger indonésien et les  » nounous » des petits ressemblent à une maman philippine. Elles n’ont donc même aucune idée de comment vit et où tant els gens moyens ou pauvres et les ruraux et encore moins les bédouins! En fait elles ne pensent même pas à s’intéresser. Leur pays c’est d’abord leur quartier et leur strict milieu qu’il soit religieux, économique ou ethnique. On ne se mélange guère en Syrie mais sans doute comme à Beyrouth, ou Dubaï, mais surtout par manque d’intérêt ou de simple curiosité. Elles savent que la Syrie son histoire et son passé intéressent beaucoup les étrangers et que ce passé est prestigieux mais cela ne va pas plus loin. Elles s’en étonnent Paris ou New York c’est tellement mieux ! Les femmes surtout qui doivent en principe assurer l’éducation civique et transmettre transmettre sont particulièrement inefficaces d’autant qu’elles n’élèvent plus les enfants… Elles vont d’un lieu à un autre lieu en voiture et si possible avec un chauffeur qui va chercher les enfants et les convoient eux aussi de chez eux à l’école (privée) ou chez les copains. Elles ne se déplacent jamais à pied (mais c’est valable pour toutes les femmes ayant quelque moyens et m^me si elles peuvent le faire sans problème car Alep comme toute la Syrie une ville très sûre ) sauf pour faire un peu de jogging dans leur quartier et encore. A Alep par exemple l’idée que l’on puisse vivre ailleurs que dans certains quartiers populaires les révulsent. Ces femmes sont très « maniérées » et incroyablement incultes à tout ce qui se passe dans le monde : développement, écologie, problème de l’eau en Syrie ou de protection de l’environnement et etc…Par contre, le gouvernement et surtout l’entourage de la première dame de Syrie beaucoup plus actif, intelligent, intéressé et concerné. OUI, Il faut le reconnaître et que les milieux populaires dont les artisans dont tous ceux qui perpétuent les savoirs et savoir faire du pays sont beaucoup plus avides d’apprendre, de comparer, d’interroger sur ce qui se passe ailleurs, y compris les femmes mais les pauvres, ils sont bien seuls et ce n’est pas les gens des beaux quartiers qui peuvent les aider. Ils ne les voient jamais arriver.Par contre ils sont plus à l’international que les « riches » puisqu’ils sont toujours au contact des touristes qui, eux, aiment bien passer un moment avec eux ou les voient s’activer dans les hôtels restaurants,souks et sur les sites historiques et et. Et quand ces touristes ensuite de retour dans leurs pays, parlent de la gentillesse et de la dignité des Syriens, c’est du petit peuple seul dont ils parlent car les plus riches ..ils ne les verront jamais sur les sites de vieilles villes ou dans les villages abritant un grand site..;

      • stephane dit :

        Entièrement d’accord. Pour les avoirs cotoyés je peux vous assurer que votre témoigane est troiblant de vérité. L4école francaise de Damas en est un bel exemple.
        Je suis sûr que beaucoup aujourd’hui de mes anciens camarades, au canada a neaw york ou à londre, seraient prêts à nier leur appartenance à la Syrie pour ne pas qu’on les importunent. Rien à voir avec la nouvelle bourgeoisie qui elle s’est faites sans aide dans les autres milieux de la Syrie. Le danger c’est que justement il y a aujourdhui une espèce de rancoeur de la part de ceux qui se sont fait sans, ou avec peu de pistons. ILs seraient des fois tentés de vouloir eux aussi devenir des puissant politiquements

  5. joujou dit :

    je voudrais me promener comme avant partout en syrie, je voudrais aller sur un coup de tete a palmyre pour assister a un coucher de soleil, ou aller prendre mon petit dejeuner sur la route de lattaquie par la route de montagne (beite yachoute ) et bavarder avec la dame qui prepare les fatayers (galette aux froamge et viande), je voudrai aller chercher mes cerises a Ariha (a balionne) et me faire inviter pour prendre un cafe au lait sous une olivier.
    c’est ce qu’on etait capable de faire avant le commencement de ce vent de liberte. qui a detruit notre quietude. en faisant ces voyages personne ne demandait notre nom ou religion, les gens etait content de partager un mot avec nous et nous offrait le the, le cafe l’hospitalite avec un grand coeur. c’est la syrie qu’on veut revoir, le symbol de securite et de gentiellesse. dieu garde la syrie, pour pouvoir recevoir les amoureux de la syrie et leur faire decouvrir mon beau pays.
    vive la syrie
    vive les amis de la syrie
    merci simon qui ma fait pleurer sur mon pays

    • lafleuriel Zakri dit :

      Et oui Joujou, mais j’espère qu’on va recommencer à marcher dans la vallée des Tombeaux au crépuscule, crever de chaleur en cherchant un peu d’ombre quand même au pied des colonnes d’Apamée, prendre son café tranquillment assis sur le rebord des murailles de Saint Siméon et regarder en bas vers la vallée de l’Afrin, etfaire uns sieste sous les pins du site pas très loin des ruines du baptistère puis aller manger quelques figues sur l’arbre et bien mûres dans les champs plus bas; D’ailleurs en y marchant j’ai découvert qu’il y avait une grande citerne..Qu’est ce qu’ on pourra encore faire..Ah oui, et aller faire un pique nique sous les grands arbres de la forêt de Fourloq mais choisir une clairière sans papiers gras et couches de bébé abandonnées. Mais on ira pas à la plage de Ras el bassit.C’est moche et sale… Alors La cafète tout en haut du Château de Saladin est super et fraîche et le « cafetier » super gentil mais comme tous en Syrie..Et bon on revient à Alep et on se pose à Khan Chouné et on regarde le réparateur de tapis à l’opposé de la citadelle et près des deux jeunes artisans celui qui fait des courtepointes et l’autre artisan qui tisse des draps de bain…Le pauvre après la mort de son père et son atelier fermé des mois car bureaucratie et partage de famille, il était ruiné , mais il venait de rouvrir et espérait la clientèle de l’été.je me demande ce que la famille mange maintenant. Sa femme et sa mère l’aidaient pour finir les bordures des serviettes en macramé.ET bof, au khan Adiliyé à la sortie du souk du coton, il y aura bien un de nos amis vendeurs pour vous proposer de venir chez moi sous les jasmins et dans ma maison ancienne boire un pto et m^me un verre de vin…mais Alep cet été , c’était toujours aussi bien…à part notre tristesse. On a tenu le coup tous ensemble…

      • Alexandra BIHAY dit :

        J’adore Ras el Bassit en hiver…

        Et j’aimerais aussi pouvoir aller se balader comme avant, revoir mes amis de Mharde par exemple…

        En tout cas, petits signes de retour à la normale, les policiers recommencent à verbaliser les petites infractions !!! Et ils ont interdits les étals de rue au souk Hamidiye !!!

        Chouai, chouai, tout rentrera dans l’ordre, inch allah !!!

  6. joujou dit :

    quand on part on a le chargrin, et quand on revient on a mal au coeur.
    alors que faire? on ne peut pas ne pas aimer la syrie, c’est dans le sang, dans les veines.

    • lafleuriel Zakri dit :

      Bon je ne voudrais pas me faire de pub sur ce site mais il paraît que mon bouquin « la botaniste de Damas » donne à tous les lecteurs envie d’aller en Syrie et d’ y retrouver le charme du vieux Damas, les odeurs. pour se faire des cuisines anciennes et le parfum des roses « de Damas mais encore …On peut le feuilleter debout dans une FNAC ou bonne librairie- il est bien diffusé – et pour juste se mettre au parfum…et c’est aussi un cours d’histoire sur tous ces savants qui au 13e siècle etavant les Mongols en Irak suivez mon regard, travaillaient en Syrie;..à une époque aussi troublée…

      • Cécilia dit :

        Je vais à la fin de l’après-midi à la fnac. je pense même l’acheter car j’adore lire surtout quand il est question de la Syrie. En plus, agrandir et varier ma bibliothèque, la rend encore plus attirante. D’ailleurs, la même chose pour les vêtements! A chaque nouvelle robe, j’ai l’impression d’avoir une nouvelle tête!

        Merci lafleuriel et merci de rester avec nous le plus souvent!

  7. française qui veut comprendre dit :

    Merci à tous de vos magnifiques témoignages. Y a-t-il en Syrie un réseau organisé de chambres d’hôtes ?

    • lafleuriel Zakri dit :

      Oui il y a des chambres d’hôtes. Par exemple à Alep j’en ai entendu parler mais je ne connais pas bien, il y avait des infos et pubs sur le net avec ces événements qui ont touché en priorité tout le secteur du tourisme, beaucoup de petits hôtels, et autres formes de résidence ont fermé, mais si vous voulez aller en Syrie et à quelle époque, les hôtels font des réductions importantes.Bon il faudrait plus de précisons pour savoir ce que vous voulez faire…

      • française qui veut comprendre dit :

        Merci Madame, l’avantage des chambres d’hôtes, si c’est comme en France, c’est le contact direct avec la population locale, la possibilité de partager des repas, des informations personnalisées sur des métiers, l’organisation, bref la vraie vie de tous les jours dans le pays visité.
        Mais il faut trouver des hôtes qui parlent au minimum l’anglais.
        C’est un ami franco-syrien qui m’a donné envie de connaitre la Syrie, qui a quelques similitudes il me semble avec le Sud-Est de la France dont je suis originaire. Le passé parsemé d’épisodes douloureux en Syrie dans sa jeunesse, ainsi toujours d’après lui, qu’un manque d’infrastructures modernes en comparaison avec la France, les « mauvaises habitudes » et  » libertés » prises par exemple dans le manque de respect du code de la route telles que décrites dans votre article sur Alep, la corruption, et ses craintes sur la liberté d’opinion, ont fait qu’il m’a toujours dissuadée d’aller en Syrie. Il a passé le week-end du 15 aout dernier à Lattaquié avec sa famille, et ce qu’il m’a raconté correspond en tous points au témoignage de l’américaine de Lattaquié. Je m’intéresse à la Syrie depuis que je connais mon ami, j’ai commencé par lire Wikipédia, puis mes recherches sur la toile m’ont orientées vers les livres, « l’exception syrienne », et « quand la Syrie s’éveillera », et depuis le début des évennements SANA en français, Infosyrie, et les désinformations de l’AFP et du Monde avec le blog « un oeil sur la Syrie ». Si mon ami syrien était auparavant rangé du coté de Al-Jeezira et France24, et très sceptique sur les informations de SANA qui pour moi paraissaient crédibles, donc sujettes à désaccords, son séjour à Lattaquié lui a ouvert les yeux, il se désespère depuis d’une amélioration de la situation. J’ai honte d’etre française avec nos politiciens très corrompus, si Madame Kodmani a honte d’etre syrienne. Si la situation n’empire pas d’ici-là, j’espère en 2012 ou 2013 pouvoir organiser un séjour en Syrie, après avoir lu « La Botaniste de Damas » par exemple, et avec le courage d’améliorer mes notions d’arabe.

        • Cécilia dit :

          Vous ne serez pas déçue de votre voyage!
          Les Syriens sont généreux et accueillants, en plus, il y a beaucoup de choses à voir surtout que la vie est beaucoup moins chère qu’ici. Avec mille euros, vous pouvez passer de très bonnes vacances pour trois mois!

          Cécilia, une Marseillese Syrienne de Damas

  8. lafleuriel Zakri dit :

    D’abord il y a en Syrie beaucoup de gens qui parlent l’anglais et un bon anglais (plus que le français depuis la baisse d’influence de la francophonie (à cause de la médiocrité de la France qui fait depuis des années des coupes drastiques dans ce domaine ) et l’enseignement en anglais est meilleur qu’en français et en particulier dans le secteur du tourisme ! Ensuite il est très facile de se faire aider y compris sur les sites qui sont pour les plus grands assez éloignés des villes mais c’est très bien organisé et tous les hôtels ou hôtes vous aideront..et d’ailleurs si tout dans un an redevient calme comme avant ( je ne peux vous l’assurer..) il y aura beaucoup de touristes et donc vous pourrez vous entendre avec eux. La Syrie était en 2010 celui des pays arabes qui avaient le plus progressé dans ce domaine. Et c’est un pays très « confortable » pour les touristes et les étrangers et très sûr (enfin je parle d’avant les événements)..Ils s’y sentent à l’aise;Les marchands ne leur courent pas après et ils visitent tranquillement. Il est facile de se restaurer ou de trouver à se loger. Franchement la vie y est facile pour les touristes.les infrastructures sont modernes et je ne comprends pas pourquoi votre ami vous dissuadait de visiter le pays.Ces dernières années c’était même encore plus agréable. il faut juste un bon bouquin : plusieurs guides mais souvent avec Syrie, Liban ou Syrie Jordanie parce que et les sites et l’histoire et le pays sont très riche mais l’histoire est dense et très complexe…cela n’arrête pas de la préhistoire à non jours; On ne peut pas par exemple visiter un de ces grands sites sans un peu de savoir.ET je pense à Ebla par exemple.Faut s’accrocher dans les détails de l’époque du bronze ..Les touristes doivent s’attendre à faire des sauts d’un site à l’autre et de voir défiler les époques sur un même site ou dans la m^me journée et pas avec des vestiges modestes !
    Pour la situation actuelle, on peut tout à fait séjourner agréablement dans les villes comme Damas et Alep ou Lattaquié; le seul problème est que les gens vous dissuadent d’aller dans certains coins alors pour nous qui voulons visiter des sites ici ou là dans le campagne c’est un peu frustrant… ils ont peur pour nous et les trajets en autobus ou en taxi peuvent être arrêtés par des groupes armés mais qui ne s’en prendraient pas aux étrangers mais menaceraient les Alepins ou les gens de villes ou il n’y a pas de troubles. Mais on verra..Moi je serai en Syrie fin octobre et sans aucune peur. jene vais pas me passer de la Syrie.j’y suis allée à toutes les époques et des époques qui étaient bien plus tendues…

  9. Alexandra BIHAY dit :

    Chère française… J’ai moi-même une chambre d’hôtes (désespérément vide ces temps-ci 😉 ) dans ma maison. Nous vous acceuillerons avec plaisir et partagerons notre Syrie avec vous ! Ahlan wa sahlan,comme on dit ici, « Soyez la bienvenue ! »

  10. Bahia dit :

    Bonsoir à toutes et à tous,

    A française qui veut comprendre… Je rentre de Syrie. J’y suis restée une vingtaine de jours chez amis et famille. Saydnaya, Damas, Kfarram, Lattaquya et Damas, j’ai voyagé en voiture particulière, taxis, taxis services et bus. Je confirme ce que disent Simone, lafleuryel, Cecilia. Quelques contrôles sur la route terminés par des souhaits de bienvenue. Je n’ai jamais eu peur, je suis partie sereine et ai passé des vacances sereines. J’ai récolté à peu près les mêmes témoignages que Simone et lafreuryel. Damas la belle est toujours aussi pétillante. A Damas et ailleurs, rues, restaurants, terrasses sont pleins. Les populations craignent bien sûr cet embargo que veut leur imposer l’Occident, de plus, le tourisme fait cruellement défaut, mais malgré tout, les syriens restent toujours aussi drôles, fiers, généreux et surtout très nationalistes. Dans certaines villes comme Lattakya, Homs, Bania, il y a des rues à éviter mais généralement les populations savent lesquelles. Partez en Syrie, vous apprendrez l’hospitalité, la gentillesse, les beaux regards,et bien sûr la très riche histoire, celle des civilisations qui l’ont traversée mais aussi celle des religions, qu’on se le dise !!!!

  11. lafleuriel Zakri dit :

    Bahia il faut diffuser ce nouveau témoignage largement, parce que avec ces médias, ici quand on dit qu’on revient de Syrie et y compris dans des milieux qui pourraient être mieux informés, on se fait traiter d’inconscients j’ai même endroit de la part d’un journaliste ce « Ah et alors , vous avez pu entrer en Syrie ? C’est comment là-bas ? »
    C’est bien on a l’air d’être des aventurières comme au temps de Marga d’Andurain à Palmyre;.. !

    • Bahia dit :

      Je ne me fatigue pas de le faire lafleuriel, tant oralement que par écrit. Je suis scandalisée par ce que je lis et entends ici. Durant mon séjour, les chaînes françaises ont parlé de bombardements par l’armée, de Hama, il n’y a rien eu de tout ça. C’est vrai que j’ai l’impression d’être prise pour une extra terrestre inconsciente lorsque je raconte. Je ne désespère pas. Il faut que nous nous tenions toutes et tous les coudes.
      Soyons et restons donc aventurières…

      • Alexandra BIHAY dit :

        Merci à toutes les deux !

        En effet, il n’est pas dangereux, pour les touristes, de voyager en cette période. (Il est dangereux en revanche pour certaines catégories de syriens, c’est pas la même chose.)

        En avril, alors que nous vivions la période la plus incertaine, ma famille et mes amis sont tout de même venus pour notre mariage. (Pas tous, malheureusement, certains ont fait plus confiance à Al Jazeera qu’à notre propre appréciation.) Nous avons tout de même visité certains endroits avec eux, notamment Maaloula, désert… si ce n’est les touristes iraniens !!! (Maaloula est un village chrétien, c’est dire la tolérance religieuse de certains aussi, c’est touchant de voir des iraniennes voilées de la tête aux pieds visiter ce site !!!) Nous sommes également allés à Bosra, après que je me sois assurée que la route n’étais pas coupée comme le disaient les rumeurs… L’atmosphère y était un peu bizarre, il y avait un enterrement et un incendie ; des gamins nous ont dit qu’il y avait eu des morts, mais, en tant que touristes, nous étions très à l’aise. Je dois ajouter que ma cousine est venue avec ses deux filles, de 6 et un an et qu’elle m’a remerciée de leur avoir fait passer un séjour non seulement agréable mais surtout sauf.

        Je suis contente, de l’hôtel où je consulte internet (hôtel durement touché par la crise touristique… reconverti en café internet !!! Je vous disais que les syriens sont inventifs !!!), il y a quelques touristes qui reviennent ces derniers jours !!! Un la semaine dernière, 4 aujourd’hui !!!

        Donc, ne différez pas vos envies de séjours, chers touristes potentiels, vous reviendrez saufs et enchantés… et vous aurez contribué à la sauvegarde de l’économie syrienne !!!

        Sincèrement, on a plus à craindre en Europe (accidents de la route, home-jacking, car-jacking, etc.) qu’en Syrie (en tant que touriste).

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