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J.-C. Ploquin est chef du service "'Monde" au quotidien La Croix ; bon connaisseur du monde arabo-musulman, il collabore à la revue Confluences Méditerranée. Il relate ici ses impressions d'un récent voyage dans une Syrie agitée par les troubles. La Syrie est en grande partie sous le contrôle du président Bachar al-Assad. C'est le sentiment qui s'impose après un voyage de sept jours dans ce pays. Une appréciation qui contraste fortement avec la perception qui domine en France. Une quarantaine de [...]



Voyageur en Syrie

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J.-C. Ploquin est chef du service « ‘Monde » au quotidien La Croix ; bon connaisseur du monde arabo-musulman, il collabore à la revue Confluences Méditerranée. Il relate ici ses impressions d’un récent voyage dans une Syrie agitée par les troubles.


La Syrie est en grande partie sous le contrôle du président Bachar al-Assad. C’est le sentiment qui s’impose après un voyage de sept jours dans ce pays. Une appréciation qui contraste fortement avec la perception qui domine en France.

Une quarantaine de lecteurs de La Croix sont rentrés samedi midi 2 avril à Paris après un périple touristique qui les a menés dans des endroits très divers de la Syrie : de Damas à Ougarit, site antique se trouvant à proximité de Lattaquié, le grand port du Nord ; d’Alep à Deir-Ez-Zor, ville proche de l’Irak, à l’est. Ils n’ont pas constaté un seul geste d’hostilité à leur égard. Lundi dernier, ils ont certes vu des hommes des services de sécurité, en armes et en civil, filtrer le flot des véhicules à l’entrée de Lattaquié, où des tirs de snipers avaient fait au moins une dizaine de morts les trois jours précédents. À Damas, la foule des fidèles du régime, qui occupa durant plusieurs soirs la place des Omeyyades, était à deux pas de leur hôtel. À Alep et dans des villages proches, ils virent passer des défilés d’écoliers et de manifestants scandant le nom du président dans une cohue maîtrisée.

Pour le reste, les voyageurs ont arpenté normalement la grande mosquée de Damas et celle d’Alep, sillonné les souks de ces deux villes, parcouru le « pont des Français » à Deir-Ez-Zor, visité le Krak des Chevaliers, la basilique de Saint-Siméon-le-Stylite et les ruines de Palmyre. Bien sûr, les populations de ces hauts lieux historiques vivent du tourisme et ont donc intérêt à faire bon accueil aux visiteurs.

La relative sérénité qui présida à ce voyage était parfois ponctuée par des appels téléphoniques venant de France où les familles s’inquiétaient d’informations aperçues sur une télévision ou sur Internet. Avant le départ déjà, il avait fallu surmonter une certaine angoisse alors que les médias annonçaient, peut-être avec exagération, une centaine de morts dans la ville de Deraa, à l’extrême sud de la Syrie. En fait, ces deux dernières semaines, les violences semblent avoir été circonscrites à quelques points : Deraa, où la répression meurtrière de jeunes contestataires a fait plusieurs dizaines de morts ; Lattaquié, où des groupuscules extrémistes sunnites chercheraient à provoquer le régime près de son fief, la montagne alaouite ; et plus récemment, l’extrême nord-est du pays, région à majorité kurde qui avait déjà connu des flambées de violence en 2004. Vendredi, des émeutes ont en outre eu lieu à Douma, une banlieue de Damas, où la journée promettait d’être tendue, dimanche 3 avril, lors des funérailles de certaines victimes.

Un voyage touristique n’est certes pas, loin de là, une enquête journalistique. Mais en revenant de Syrie, on est porté à croire que le printemps arabe y a, jusqu’ici, surtout réveillé de vieilles fractures et que le régime garde une réelle capacité à mobiliser ses partisans. La difficulté d’évaluer la situation, pour les médias occidentaux, tient pour une bonne part à la politique ultra-sécuritaire d’un pouvoir très autoritaire et violemment répressif, qui ne délivre qu’au compte-gouttes des visas aux journalistes, lesquels ne peuvent donc pas se faire une opinion sur le terrain.

J.-C. Ploquin

(Publié le 3 avril dernier sur le site la-Croix.com.)

 

 



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