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C'est sous le signe du dialogue et du refus de l'extrémisme que s'est ouverte à l'hôtel Sheraton de Damas, lundi 27 juin, la convention de l'opposition syrienne. De cette volonté témoignaient symboliquement non seulement l'hymne national chanté par les quelque 150 à 200 participants, dont nombre d'intellectuels, mais encore la minute de silence pour les "martyrs civils ET militaires" tombés depuis le début du mouvement de contestation, le 15 mars dernier. Acceptée par le pouvoir, cette réunion tenue au grand jour [...]



A Damas, l’opposition demande la réforme et refuse l’ingérence

Par Louis Denghien,



Une vue de la rencontre de Damas

Une vue de la rencontre de Damas

C’est sous le signe du dialogue et du refus de l’extrémisme que s’est ouverte à l’hôtel Sheraton de Damas, lundi 27 juin, la convention de l’opposition syrienne. De cette volonté témoignaient symboliquement non seulement l’hymne national chanté par les quelque 150 à 200 participants, dont nombre d’intellectuels, mais encore la minute de silence pour les « martyrs civils ET militaires » tombés depuis le début du mouvement de contestation, le 15 mars dernier.

Acceptée par le pouvoir, cette réunion tenue au grand jour constituait une première en Syrie. Elle témoigne, quoiqu’on en dise, de la volonté du régime de Bachar al-Assad de se réformer, en prenant l’avis non seulement de la population via les consultations de représentants locaux par le président lui-même, mais aussi en laissant des personnalités connues pour leur opposition au pouvoir baassiste suggérer des réformes, voire des ruptures. Cette (bonne) volonté, de part et d’autre, le discours inaugural du président de la réunion, Mounzer Khaddam en témoignait assez : « Il y a deux chemins, le premier clair et non négociable qui va vers une transition pacifique vers un régime démocratique et qui sauvera notre peuple et notre pays. Et il y a un autre chemin qui conduit vers l’inconnu et détruira tout le monde. » a-t-il dit, ajoutant : « Nous faisons partie du peuple et nous avons opté pour le premier chemin avec le peuple. » Un message très clair et une pierre dans le jardin de l’opposition radicale islamique, soutenue par les Américains et les Saoudiens, et dont la branche politique, dominée par les Frères musulmans, s’est réunie début juin en Turquie.

Il est important de rappeler que les figures les plus en vue de la réunion de l’hôtel Sheraton ne sont pas des fantoches ou des marionnettes du régime, une « opposition de sa Majesté » qui servirait simplement de soupape de sécurité au pouvoir. Louaï Hussein, un des principaux intervenants, a passé sept ans dans les geôles d’Hafez el-Assad, père de l’actuel président, et a encore été arrêté brièvement en mars dernier, au début de l’agitation. Devant les participants de la convention, il a du reste stigmatisé un « régime tyrannique » (qui le laisse néanmoins s’exprimer librement). Même profil pour un autre intervenant, Michel Kilo, qui a passé trois ans en prison pour son opposition au régime.

Des revendications politiques précises

Pour l’essentiel, ces opposants ne sont affiliés à aucun parti. Sur un plan politique, les participants ont adopté une résolution demandant dans l’immédiat aux autorités de « garantir la liberté de manifester pacifiquement sans autorisation préalable ainsi que la sécurité des manifestants » et « la libération de tous les détenus politiques et de conscience« . Mais à terme, l’objectif est « de passer à un Etat démocratique, civil et multipartite qui garantit les droits et la liberté de tous les citoyens syriens. »

« Pas de liens avec l’opposition extérieure »

Tous les participants, si hostiles soient-ils au régime actuel, ont rejeté toute idée d’intervention extérieure contre la Syrie. Ils ont aussi condamné sans ambiguité les dérives « confessionnalistes« , visant clairement les entreprises de type salafiste ou wahabites encouragées par certaines monarchies arabes pétrolières et leur protecteur américain. Ils comptent sur une évolution démocratique du régime, qu’ils appellent à mettre fin « à l’option sécuritaire » et à retirer les forces de sécurité des villages et des villes. A ce propos, les opposants demandent la mise en place d’une « commission d’enquête indépendante sur les assassinats perpétrés contre les manifestants et des éléments de l’armée syrienne« . Et pour faire toute la lumière sur les heurts sanglants survenus notamment à Jisr al-Choughour, ils demandent que la presse arabe et étrangère soit autorisée à couvrir les événements. Sur ce dernier point, le régime a organisé un voyage de presse à Jisr, mais l’honnêteté et la neutralité d’une chaîne comme Al Jazeera et de nombre de médias américains et européens reste sujette à caution.

Quoiqu’il en soit, le refus de toute ingérence étrangère, et de toute manipulation orchestrée depuis l’étranger est revenu dans la bouche de la plupart des congressistes : « Nous n’avons pas de liens avec les opposants de l’extérieur. » a précisé le journaliste et écrivain Nabil Saleh qui a aussi répliqué fermement à une accusation d’opposants basés à l’étranger, selon laquelle les congressistes de Damas étaient « manipulés par le régime. » : « Nous aussi, nous nous interrogeons sur leurs objectifs« . « Ceux qui s’étaient réunis à Antalya en Turquie et à Bruxelles, a poursuivi M. Saleh, ont repris des opinions similaires à celles de pays occidentaux qui n’oeuvrent pas en faveur de la Syrie. » Voilà qui est clair, net et précis, et ramène les « opposants démocratiques » d’Antalya à leur condition véritable de pions de Washington et de Bruxelles !

Un nouveau geste du régime

Pour Nabil Saleh, – et il résumait là le sentiment général des congressistes -, le régime doit pouvoir bénéficier de temps « pour mettre en oeuvre les réformes » annoncées par le président Bachar al-Assad. Bref, si l’opposition intérieure et modérée se dit déçue du dernier discours du chef de l’Etat, elle est prête au dialogue et attend des gestes concrets et rapides du pouvoir. Celui-ci  en a fait un de plus, lundi 27 juin, en proposant aux opposants syriens une consultation au sommet pour le 10 juillet prochain : « L’organisme pour le dialogue national, mis en place récemment, va inviter les forces, les intellectuels et les personnalités politiques à participer à une réunion le 10 juillet prochain pour débattre notamment des amendements prévus par la Constitution, notamment la clause 8. » a indiqué l’agence officielle syrienne Sana.

Il faut rappeler que l’article 8 stipule que le parti Baas, au pouvoir en Syrie depuis 1963, est « le dirigeant de l’Etat et de la société » syriens. Que le pouvoir de Bachar al-Assad se déclare prêt à discuter  de ce postulat institutionnel et politique, naguère aussi intangible que le rôle dominant  du Parti communiste en URSS, témoigne assez, nous semble-t-il, de sa bonne volonté réformatrice. A Damas, les gens de bonne volonté sauront-ils trouver un langage commun pour la modernisation, la paix et l’indépendance de la Syrie ?

 



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