• Décryptage
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Il nous a paru nécessaire de revenir sur les raisons du soutien actuel, notamment au sein du conseil de sécurité de l'ONU, de la Russie de de la Chine à Damas. La Russie - qui, du temps de l'URSS, était déjà un "parrain" géopolitique de la Syrie, et qui conserve aujourd'hui une importante base navale sur le littoral syrien - n'a pas les mêmes relations historiques que la Chine avec ce pays. Pourtant tous deux se retrouvent, avec des nations plus [...]



Syrie : pourquoi Moscou et Pékin disent non

Par Louis Denghien,



Marins soviétiques de la base de Tartous en Syrie : Moscou ne laissera jamais la Méditerranée devenir un lac américain

Marins soviétiques de la base de Tartous en Syrie : Moscou ne laissera jamais la Méditerranée devenir un lac américain

Il nous a paru nécessaire de revenir sur les raisons du soutien actuel, notamment au sein du conseil de sécurité de l’ONU, de la Russie de de la Chine à Damas.

La Russie – qui, du temps de l’URSS, était déjà un « parrain » géopolitique de la Syrie, et qui conserve aujourd’hui une importante base navale sur le littoral syrien – n’a pas les mêmes relations historiques que la Chine avec ce pays. Pourtant tous deux se retrouvent, avec des nations plus qu’émergentes comme le Brésil et l’Inde, pour faire bloc face aux manoeuvres des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne au sein du conseil de sécurité.

A celà plusieurs raisons.

D’abord, Moscou – et Pékin, de façon plus discrète – ne croient plus aux arguments et aux promesses des Occidentaux. La Fédération de Russie a pu constater naguère que les révolutions « oranges » d’Ukraine et de Georgie, qui devaient aboutir à l’éloignement et même à l’hostilité ouverte vis-à-vis de Moscou d’anciennes républiques associées, devaient beaucoup aux subsides et aux conseils de la Maison Blanche. Et que, sous couvert de « soutien à la démocratie », les Américains et l’OTAN – déjà installés à demeure dans les anciens « pays de l’Est » – étaient en train de s’implanter dans le « pré carré » russe, et de resserrer l’étau autour de Moscou – les Américains avaient, dans le même but, favorisé le « changement » en Ouzbekistan, autre ex-territoire soviétique, et avaient naguère écrasé la Serbie, nation frère de la Russie, favorisant l' »indépendance » d’Etats-croupions comme le Kosovo et le Montenegro. Et ils campaient aussi en Afghanistan.

Au Proche-Orient, les Russes ont pu voir aussi de quoi Washington était capable : dévaster et diviser une nation arabe comme l’Irak, naguère puissance régionale échappant à l’influence américaine et menaçant, au moins virtuellement, Israël, ce en usant de prétextes à la fois mensongers et « démocratiques ».

Le « lumineux  » exemple libyen

Beaucoup plus près de nous, l’exemple libyen n’a pu qu’achever de convaincre Moscou, Pékin et d’autres, du cynisme et de la mauvaise foi des Etats-Unis et, hélas, de la France et des principales puissances européennes : en avril dernier une intervention militaire d’abord franco-britannique démarrait, sous le couvert d’une résolution de l’ONU et sur intervention directe d’un histrion comme B.H. Lévy, théoriquement pour protéger des populations – en Cyrénaïque insurgée  – d’un éventuel massacre par l’armée de Kadhafi. Soutenus par un Obama officiellement – et habilement – en retrait dans cette affaire, les Franco-Anglais et l’OTAN ont très vite débordé du cadre fixé par les Nations-Unies et de la protection de « civils désarmés » on est assez vite passés à une tentative pure et simple de subversion politique, les Occidentaux armant les insurgés et reconnaissant officiellement leur « conseil de transition », bombardant quotidiennement Tripoli et exigeant le départ de Kadhafi qui, en dépit de ses revirements, demeurait assez largement incontrôlable par Washington.

Ce « détournement de résolution » onusienne a achevé de convaincre Medvedev et Poutine que Washington, en dépit de ses déboires militaires et politiques en Irak et en Afghanistan – et de sa situation économique précaire – n’avait pas renoncé, avec l’aide d’une Europe alignée et de quelques clients arabo-musulmans, à dominer la planète. Récemment encore, Washington a salué l' »indépendance  » du Sud-Soudan, dont la fonction géopolitique principale est d’amoindrir un « Etat voyou » (traduisez par « non aligné sur Washington »).

Bref, depuis au moins dix ans, Moscou a le sentiment de vivre avec le rival américain inquiet de la renaissance russe une véritable « guerre tiède ». On sait que l’efficace binôme Medvedev-Poutine a su mettre en échec la stratégie américaine en Georgie, et aussi, de façon plus indirecte, en Ukraine. Moscou s’est également beaucoup rapproché de Pékin et de Téhéran, constituant ainsi un « ‘contre-pouvoir international » efficace à l’hégémonisme américain. Et Moscou a resserré les rangs avec Damas, apparemment nouvelle cible des déstabilisateurs du Département d’Etat. Pas question pour les Russes de renoncer à leur base navale de Tartous sur la côte syrienne, et de laisser l’OTAN faire, grâce au renversement du régime de Bachar et de celui de Kadhafi, de la Méditerranée le « Mare nostrum  » de l’OTAN. Et puis les Russes savent très bien que la situation intérieure syrienne a peu à voir avec le scénario hollywoodien et manichéen qu’en donnent politiques et journalistes occidentaux : ils savent que la Syrie peut connaître le sort peu enviable de son voisin irakien, pour les mêmes raisons communautaristes , et  par la faute des mêmes incendiaires.

Le cas particulier de la Chine

L’attitude chinoise a pu paraître, par rapport à la russe, plus en retrait, sur la Syrie comme sur d’autres sujets. La Chine, qui est un continent en soi, défend d’abord ses intérêts géostratégiques et économiques ; sûre de sa force croissante, elle a eu tendance à jouer « cavalier seul », s’implantant efficacement en Afrique, et devenant le créancier principal des Etats-Unis : belle revanche symbolique pour un pays toujours officiellement marxiste, mais aussi  arme politique à double tranchant, Pékin ne pouvant se permettre de heurter trop frontalement une puissance qui lui doit tant d’argent, au risque de remettre en cause son exponentielle croissance économique.

Reste que les dirigeants chinois semblent avoir compris qu’une confrontation – au moins politique – avec les Etats-Unis – avec qui ils sont déjà « au contact » dans le Pacifique – devenait inévitable à plus ou moins long terme. Et qu’ils ne gagneraient donc rien à laisser le champ libre à la diplomatie et aux armées de Washington. D’autant que l’argument des droits de l’homme qui a si bien servi aux Américains contre l’Irak, la Libye, la Serbie, le Soudan pourraît être employé par eux, un jour, contre la Chine.

A l'ONU, sur la Syrie, la Chine veut donner un "feu rouge" à Washington

A l'ONU, sur la Syrie, la Chine veut donner un "feu rouge" à Washington

C’est très certainement cette prise de conscience qui explique le veto qu’ils ont agité au conseil de sécurité à propos du cas syrien. Et l’analyse des dirigeants indiens, brésiliens et sud-africains sur ce sujet ne devait pas être très différente. L’hégémonisme et le cynisme des Occidentaux commencent à devenir vraiment insupportables à pas mal de monde. Moscou ne veut plus s’en laisser conter par les postures morales de l’axe euro-américain. Pékin et d’autres non plus, semble-t-il…

 

 



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8 commentaires à “Syrie : pourquoi Moscou et Pékin disent non”

  1. Enfin des opposants dit :

    Enfin des gens qui non aux tueries!!
    quand est ce que tous ces massacrent vont enfin finir?

  2. Rensk dit :

    Sachez que je suis abasourdi par le « geste » de mon gouvernement… qui pourtant se vante d’être un pays neutre (mais plus depuis la guerre en Yougoslavie ?)

    Rien a été dit, tout c’est fait « en haute sphères », aucun vote populaire !
    (Éventuellement une vengeance pour le scandale de Genève ? Le tribunal étranger qui devait juger la Suisse ?)
    http://www.libyesos.ch/index.php/using-joomla/extensions/components/content-component/article-categories/78-demo/slides/94-manif

    • Rensk dit :

      Si vous lisez bien le lien, il y a pire que ça :
      – développer les contacts avec le CNT et d’ouvrir un bureau de liaison. Ce bureau sera installé dans les locaux du bureau de l’Aide humanitaire.

      C’est donc nous dire qu’ils se cachent derrière l’humanitaire… respectivement pour moi : ne serait-ils pas en train de faire comme l’armée d’Israël en utilisant des enfants comme « boucliers humains » ? La Suisse me fait de plus en plus mal, elle est en train de sortir de ses gonds !

  3. Raphael Babin dit :

    J’espère que vous ne m’en voudrez pas de vous faire un commentaire qui ne s’en tient qu’au français. C’est que, comme le vôtre est quasiment parfait, je ne peux m’empêcher de relever deux petites fautes qui détonnent. « Soit-disant » s’écrit « soi-disant ». Et « s’en laisser compter » devrait être « s’en laisser conter » (comme dans raconter, ou conte de fée).
    Quand même, je dois vous dire qu’un site comme le vôtre est très utile (et a même quelque chose d’indispensable) pour prendre conscience de l’irréalité de tant d’affirmations qui nous sont assénées sans broncher par les journaux les plus sérieux. Après avoir lu les nouvelles du jour et m’être indigné à souhait, il me faut absolument passer par chez vous pour une séance de dégrisement…

  4. Ali dit :

    Il est sité dans cette article certains exemples d’affrontement indirect entre Moscou et Washington en Europe de l’est; mais excepté en Géorgie c’est toujours les américains qui ont le dernier mot.

    Pour les cas libyen et Iranien, Moscou et Pékin se sont opposés (au euro-américain) pour mieux se soumettre plus tard.

    Dés lors il est difficile de ne pas penser que la diplomatie de la Russie et de la Chine n’ai pas contraignante pour les politique américaine et n’est agité que dans le but d’avoir d’autre concession (de quelles nature ?)

    Il est claire que l’ensemble des 5 du conseil de sécurité marche mains dans la mains et l’union est faite de compromis.
    Le reste du monde étant totalement exclu et ne peut évidemment pas compté sur un seul de 5.

  5. stephane dit :

    C’est triste à die mais comem le disait le représentant de la Syrie aux nations unies, le conseil de sécurité n’est qu’un endroit où les puissants défendent leur intêrets

  6. naciri abdellatif dit :

    la Russie et la chine soutiennent la Syrie et en même temps ils jouent le rôle des sages et d équilibre dans cette région .La chute de bachar que l occident souhaite et que bon nombre de pays conscients des conséquences désastreuses, ne désirent pas .Cette chute non souhaitable aura pour impact une apocalypse sans précédent dans la région ,car l Iran est la ,la Syrie aussi qui est actuellement ,armée jusqu aux dents ,le hysbollah d une capacité de feu non négligeable ,et hamas aussi qui il ne faut pas ignorer .imaginez un peu ce feu d artifice qui s abattra sur les israéliens et que les usa rentreront en action pour défendre leur allie et que d autre part la flottille américaine stationnée dans le golfe persique qui est placée sur la ligne de mire des iraniens ,alors que peut on conclure en fin de compte.ne croyez vous pas que ceci entrainera une guerre mondiale? La Syrie n est pas la lybie non plus l Égypte ni le yemen ,c est un point stratégique dans toute cette région .Il y a bien des pays qui ne réfléchissent pas et ne voient que les interrets ,surtout les élections qui sont devenues monnaie courante dans cette course. donc résultat nous saluons la position des russes et des chinois dans ces événements.

  7. ISMAIL dit :

    Franchement, qui croit encore aux bonnes intentions de cette communauté internationale qui intervient en Libye pour imposer une autre forme de colonisation par pure intérêt des nations qui ont plaidé pour cette résolution à la con ?

    Quel est cette zone d’exclusion aérienne qui se termine par le bombardement du convoie de Kaddafi puis sa mort qui en découle. Peut-être mes frères Libyens comprendront d’ici 10 à 15 ans que l’on est quitter sous une forme de dictature à une forme de Dictature dirigée par les pays dites aujourd’hui « soutiens du CNT ». Pour faire claire, la résolution de l’ONU à été très largement piétiné dénuer de toute légitimité et cela personne n’en parle ni même ces centaines des « expert » qui interviennent à « France 24 » pour discuter du cas libyens. Tous le monde le sais mais personne en parle.

    Désolé mes frères Syriens, votre conseil de transition risque de volet en éclat car vos voisins ont montré comment utiliser les résolutions de l’ONU. Merci à la RUSSIE et à la CHINE et à tous les autres pays qui défendent le cas syrien à l’ONU. Si vous penser être dans un pays ou règne la dictature ou l’anarchie et qui ne convient pas à vos aspirations, il fraudait comme on sait le dire « s’asseoir sur la table pour discuter » ou pour être plus dure « plaider pour qu’on impose à votre président un dialogue direct avec vous ou par un état médiateur » . Mais la France ne pourra pas vous aider cette fois ci, ni les USA( avec un Barack Obama devenu prisonnier les lobbyistes Juives)

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