• Actualité
  •  
  • Focus
  •  

  C'est un succès diplomatique - d'un genre particulier - que vient de remporter la Syrie : suite au travail de sa représentante auprès de l'UNESCO, Madame l'ambassadeur Lamia Chakkour (photo ci-contre) - qui représente aussi son pays en France -, l'organisation culturelle internationale vient d'inscrire, ce 27 juin à Paris, un groupe de villages antiques du nord-ouest du pays au patrimoine mondial de l'Humanité. Ces villages, au nombre d'une quarantaine, sont situés dans les gouvernorats - provinces ou districts - [...]



L’UNESCO distingue la Syrie

Par Louise Poissons,



 

C’est un succès diplomatique – d’un genre particulier – que vient de remporter la Syrie : suite au travail de sa représentante auprès de l’UNESCO, Madame l’ambassadeur Lamia Chakkour (photo ci-contre) – qui représente aussi son pays en France -, l’organisation culturelle internationale vient d’inscrire, ce 27 juin à Paris, un groupe de villages antiques du nord-ouest du pays au patrimoine mondial de l’Humanité. Ces villages, au nombre d’une quarantaine, sont situés dans les gouvernorats – provinces ou districts – d’Alep et d’Idleb. Grâce à cette inscription, la contribution syrienne au patrimoine culturel mondial s’étoffe un peu plus avec désormais sept sites antiques ou historiques « homologués », les plus fameux étant certainement l’ensemble exceptionnel de ruines romaines de Palmyre et le krak des Chevaliers, un des plus beaux et imposants exemples d’architecture militaire féodale occidentale. Dans son discours de remerciement au comité du patrimoine de l’UNESCO, Mme Chakkour a rappelé que son pays peut s’enorgueillir, avec plus de 5 000 sites antiques et archéologiques officiellement recensés, d’être, effectivement, un des gros contributeurs de ce trésor culturel et historique qui est le bien commun du monde entier.

C’est assez dire que la Syrie est un pays à vocation touristique, tant du fait de l’accueil de sa population que de son littoral, ses infrastructures hôtelières que de ses richesse artistiques et historiques. Nous vous proposons donc un mini-périple virtuel dans ces très anciens villages de Syrie, dont l’origine remonte à quelque dix-huit siècles.

La marque romaine  – et chrétienne

Les villages sont tous situés dans le secteur frontalier avec la Turquie, dans le nord-ouest, une région qui s’est malheureusement surtout fait connaître, ces dernières semaines, par les troubles sanglants qu’y ont fomenté des groupes insurrectionnel. Géologiquement, la région se présente comme un étroit (20 km de largeur en moyenne) plateau montagneux – culminant à 1 000 mètres d’altitude – pris ente la vallée de l’Oronte à l’ouest et les plaines d’Idleb et d’Alep à l’est. Le plateau jouit d’un air très pur et d’un climat méditerranéen, mais les faibles ressources agricoles ont empêché que s’y maintienne de façon durable une population conséquente.

Pourtant, la région a connu, aux premiers siècles de l’ère chrétienne, une certaine prospérité, dont témoigne le maillage de villages antiques aujourd’hui consacrés par l’UNESCO. Ces villages consistent en un assemblage de modestes maisons paysannes implantées sans souci urbanistique particulier, mais souvent dotés de bâtiments publics comme des thermes ou des sanctuaires – chrétiens ou païens. Les plus anciennes constructions remontent au IIe siècle de notre ère, les plus récentes au Ve. Dans ce dernier cas, qui correspond à la christianisation de la région, on constate une sophistication architecturale certaine, avec des bâtiments d’une certaine envergure, et inspirés des canons architecturaux romains, une décoration intérieure – mosaïques, colonnes, sculptures – et des matériaux nobles – pierre taillée. Ces villas à la romaine sont le centre de riches domaines agricoles, pourvus de bâtiment annexes voués à la production agricole – huileries, moulins, pressoirs, etc. Et puis, christianisation oblige, on trouve les vestiges de nombreuses églises, couvents et baptistères, ainsi que de monuments funéraires – mausolées et sarcophages.

Cet âge d’or a trouvé sa conclusion avec les avatars démographiques et historiques survenus au Moyen Age, et par la suite, les habitants ont désigné cette région comme celle « des villes mortes ». On espère que la décision de l’UNESCO va tirer le plateau d’un sommeil de plus de mille ans.

Dans l’immédiat, voici des informations et des images ayant trait à quelques uns des villages entrés ce mois de juin au  patrimoine mondial de l’Humanité.

Deir el-Seman : le village était connu pour abriter la colonne au sommet de laquelle Siméon le stylite a passé les dernières années de sa vie ascétique. Quatre basiliques se sont construites autour du pilier de Siméon, formant une imposante croix, et qui subsistent à l’état de ruines (voir photo 1) puis un monastère ainsi, pour accueillir les nombreux pèlerins, qu’une vaste hôtellerie – en grec « pandocheion » – dont subsistent d’imposants vestiges (voir photo 2)

syrie deir seman monastere pandocheion saint siméon le stylite

Photo 1

 

syrie deir seman monastere pandocheion saint siméon le stylite basilique

Photo 2

Brad : c’est sous le signe de saint Maron, mort au début du Ve siècle dans ce village, que Brad s’est développé et a acquis une certain rayonnement à la fin de l’Antiquité : situé à 30 km au nord-est d’Alep, le village fut un centre urbain important, et un  foyer de diffusion du christianisme. De cette époque témoigne aujourd’hui l’église-basilique de Julianos (voir photo 3), structurée sur trois nefs séparées par des colonnes dont les arcs culminent à plus de 7 mètres de hauteur. Le corps de saint Maron a été inhumé dans une des chapelles de l’église. La saint Maron -le 9 février – est toujours fêtée par les habitants de Brad, et il faut rappeler que les chrétiens maronites du Liban et de Syrie tirent le nom de leur obédience chrétienne de celui du saint. Le 9  février dernier, le général Michel Aoun, leader chrétien libanais, a participé à la messe de jubilé du saint, célébrée par Mgr Anis Abi Aad, évêque maronite d’Alep.

brad saint maron église basilique de julianos

Photo 3

Karab Shams : autre foyer de civilisation chrétienne maronite puis byzantine, Karab Shams peut s’enorgueillir d’une très belle église, ruinée mais imposante, remontant au IVe siècle (voir photo 4) avec une colonnade pratiquement intacte flanquant la nef.

karab shams syria lost cities

Photo 4

Shinshara : située au sommet d’une colline, le site offre des ruines vraiment impressionnantes. (voir photo 5)

shinshara ruines

Photo 5

sheik barakat temple païen saint siméon

Photo 6

Sheik Barakat : encore un site haut-perché, où s’est épanouie la civilisation gréco-romaine qui a laissé là, entre le Ier et le IIe siècles, plusieurs vestiges dignes d’intérêt, dont ceux d’un temple païen. Mais c’est l’église Saint-Siméon (Ve siècle), un ensemble de quatre basiliques dessinant une vaste croix, qui retient immédiatement l’attention (voir photo 6).

al bara hama alep huile d'olive tombeaux pyramidaux

Photo 7

Al-Bara : situé à 65 km au nord d’Hama et à 80 km au sud-ouest d’Alep, Al-Bara présente un vaste ensemble de ruines étalées sur plusieurs collines, au milieu du maquis et des oliviers. C’est d’ailleurs l’huile d’olive qui, avec le vin, a fait la prospérité du bourg, à partir du IVe siècle. Entre le Ve et le VIIe siècle, l’expansion économique et démographique suscite la construction de cinq églises et de trois monastères, ainsi que de deux tombeaux pyramidaux (voir photo 7). Al-Bara deviendra d’ailleurs le siège d’un évêché byzantin. Au XIIe siècle, des tremblements de terre à répétition ruineront, dans toutes les acceptions du terme, Al-Bara, qui sort de l’Histoire.

Dar Qita : encore un centre important de l’époque byzantine : en témoignent, aujourd’hui encore, les vestiges de trois églises avec deux baptistères, des tours, sans oublier une quarantaine de maisons et un bâtiment public de la même période. (voir photo 8)

darqita église baptistère

Photo 8

Serjilla : couru par les archéologues – puis les touristes – depuis le XIXe siècle, Serjilla est, contrairement à nombre de villages de la région, implanté dans un vallon, entre les grandes villes de Hama et d’Alep ; l’empire byzantin – ou romain d’Orient – a laissé, là aussi, sa marque, avec plusieurs grands édifices remarquablement conservés, parmi lesquels des thermes, des monuments funéraires dont d’imposants sarcophages, des sanctuaires chrétiens, un pressoir et une spectaculaire citerne, en tout des centaines d’édifices et monuments. Comme d’autres cités longtemps prospères de cette région, Serjilla a été abandonnée de ses habitants voici 1 500 ans. (voir photos 9 & 10)

serjilla thermes sanctuaires sarcophages pressoir citerne monument

Photo 9


vue serjilla est une des villes mortes en syrie unique romaine byzantine

Photo 10




Vous pouvez suivre les réponses à cet articles avec le flux RSS.
Vous pouvez répondre, ou faire un lien depuis votre site.

3 commentaires à “L’UNESCO distingue la Syrie”

  1. Francois de Pas dit :

    Il est temps de classer tous ces sites au patrimoine de l’humanité. Et encore, l’article qui a le mérité de les citer, laisse dans l’ombre tous ceux plus modestes, mais non moins interessants, qui paraissent avoir été déserté du jour au lendemain sur ce plateau calcaire. Ils révèlent le mode vie des premiers siècles de notre ère dans leur intégrité conservée(à l’exception des prélevements effectués par les villageois en recherche de pièrre).
    A quand une explication scientifique et indiscutable sur les motifs de leur désertion vers le 6° siècle?

  2. joseph dit :

    Bonjour,
    A mon avis, c’est toute la Syrie et le proche orient qui doivent être classés au patrimoine de l’humanité, pacifiés et mis sous la protection des NU. Toute la région doit être démilitarisée en commençant par l’état d’Israël. C’est l’unique solution pour installer une paix réelle et durable.
    l’UPPO

  3. Mylene dit :

    L’UNESCO a pris la bonne decision de classer cette region comme patrimoine mondial. La Syrie merite bien plus que cela. Historiquement, culturellement et economiquement,ceux qui connaissent l’histoire des civilisations peuvent confirmer que la Syrie constitue un musee sur toute sa surface .Cependant,je regrette que la presse occidentale est reticente a lui donner sa juste valeur en matiere de nouvelles autres que politiques!

Commenter