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Bienvenue au club - encore très exclusif - des diseurs de vérités sur la Syrie ! Un des derniers en date de ces franc-tireurs du paysage journalistique français nous vient de là où on ne l'attendait pas, du Figaro ! Renaud Girard est en effet grand reporter au service international du quotidien atlanto-sarkozyste. Et ce qu'il écrit dans un assez long article de la rubrique "analyse" du quotidien devrait faire froncer les sourcils à Alain Juppé. Renaud Girard ouvre son article [...]



Renaud Girard, du Figaro : « Si Bachar est renversé, la liberté religieuse sera balayée en Syrie »

Par Louis Denghien,



Renaud Girard : il ne dit rien que nous ne sachions déjà sur la Syrie, mais il le dit aux lecteurs du Figaro - et à Alain Juppé ?

Renaud Girard : il ne dit rien que nous ne sachions déjà sur la Syrie, mais il le dit aux lecteurs du Figaro - et à Alain Juppé ?

Bienvenue au club – encore très exclusif – des diseurs de vérités sur la Syrie ! Un des derniers en date de ces franc-tireurs du paysage journalistique français nous vient de là où on ne l’attendait pas, du Figaro ! Renaud Girard est en effet grand reporter au service international du quotidien atlanto-sarkozyste. Et ce qu’il écrit dans un assez long article de la rubrique « analyse » du quotidien devrait faire froncer les sourcils à Alain Juppé.

Renaud Girard ouvre son article par une question qui en annonce le contenu : « Les Occidentaux sont-ils bien conscients de l’enjeu réel de ce qui se passe en Syrie ? » Non, et d’abord à cause du « simplisme » des télévisions européennes et américaines sur le sujet. Le grand reporter du Figaro fustige le schéma en effet le schéma simpliste sur lequel repose depuis de mois le gros de l' »information » : un « soulèvement d’une population éprise de liberté contre la dictature d’un clan« .

Souci d’équilibrer son article un peu borderline par rapport à la ligne éditoriale de son employeur ? Girard s’en prend aussi à l’attitude du régime au début de la crise, qui a sur-réagi contre les premières manifestations de Deraa, qui n’avaient d’autre objet que de protester contre des violences policières. Ce faisant, Bachar al-Assad a plongé son pays, dit Renaud Girard, « dans la classique spirale infernale manifestation/répression/plus de répression/insurrection/encore plus de répression« . Nous ne sommes pas en désaccord avec cette analyse, pour le début du mouvement. Girard précise d’ailleurs, à l’intention de ses lecteurs un peu intoxiqués par la propagande dde ses collègues du Figaro, que Bachar n’a pas voulu cela, et qu’il était « au départ, pas tyran dans l’âme« .

Extrémistes islamistes : le retour

Cette notation psychologique faite, le journaliste en vient à la situation actuelle dont l’enjeu « ne se résume plus à un bras de fer entre démocrates et dictature« . Pour Girard, « la guerre civile a commencé » en Syrie, avec les islamistes sunnites qui sont « entrés dans la danse« . Des islamistes qui veulent leur revanche des massacres de Hama en 1982. Au passage, l’homme du Figaro rappelle que cette répression intervenait suite à une « tentative islamiste de prise de pouvoir en Syrie, par une mouvance sunnite armée, proche de celle qui, en Egypte, avait réussi à assassiner le président Sadate« .

Dans ces conditions, explique Girard, on ne doit pas s’étonner que les chrétiens soient « aujourd’hui tous derrière Bachar« , n’ayant « aucune envie de connaître le sort des chrétiens d’Irak » – et au passage, il égratigne la « démocratie » installée à Bagdad par l’invasion militaire américaine de 2003.  Or, rappelle-t-il, les Assad ont toujours protégé les chrétiens. Girard ajoute aux chrétiens les alaouites et aussi les Kurdes, Bachar ayant eu l’intelligence de donner la nationalité syrienne à 600 000 d’entre eux.

Girard le lance aux lecteurs – et aussi, certainement, à ses collègues du Figaro et du reste de la presse française : « Il ne faut pas se voiler la face. A Homs, c’est une guerre de religion qui a commencé » – il note au passage, sans vouloir être plus précis, que le reporter Gilles Jacquier de France 2 est une victime de cette guerre religieuse de quartier. Et Renaud Girard de citer le mot d’ordre des radicaux islamistes, bien connu des lecteurs d’Infosyrie : « L’Alaouite dans le cercueil et le chrétien à Beyrouth !« .

Bref, si le régime s’effondre, les islamistes prennent le pouvoir. Avec à la clef, une « vengeance terrible » contre les chrétiens, alaouites et les druzes. D’ailleurs, « la liberté religieuse serait balayée en Syrie« . Quant à la démocratie dont nos commentateurs, en général aussi incultes qu’alignés politiquement, ont la bouche pleine, elle est, rappelle Renaud Girard, « toujours fille de la réforme, de l’évolution lente, jamais de la révolution« . D’autre part, ose écrire Renaud Girard, il peut y avoir pire que la dictature : l’anarchie !

La chute de Bachar « n’est pas pour demain »

Et pour finir, notre franc-tireur du Figaro tord le cou à un autre poncif de le bien-pensance médiatique sur la Syrie : « La chute du régime n’est pas pour demain« . Parce que, déjà, l’armée « n’est pas déliquescente« . Parce que « Damas et Alep, les deux plus grandes villes, sont restées calmes« , la bourgeoisie préférant Bachar au chaos. Parce que « à l’extérieur, le régime jouit du soutien de deux puissants alliés, la Russie et l’Iran« . Et « les voisins jordanien et irakien sont d’une bienveillante neutralité » – Girard a oublié le voisin libanais.

Il est temps pour Girard de tirer la morale de son analyse : le régime de Bachar n’est « assurément » pas aimable, dit-il, mais les occidentaux « seraient bien avisés de ne pas faire comme en Irak ». Et notamment de garder à l’esprit « l’obsession » du sort de la communauté chrétienne de Syrie : « Il est pour le moins paradoxal, souligne Girard, de voir la France légiférer sur un génocide de chrétiens commis il y a un siècle, mais se désintéresser du sort actuel des chrétiens du Liban« . Ce n’est pas paradoxal, M. Girard, c’est électoral !

Que dire de cette analyse ? Qu’on a déjà lu tout ça quelque part. Au hasard des pages d’Infosyrie, par exemple. Mais cette fois on le lit dans Le Figaro, et c’est quand même un progrès dialectique. Peut-être qu’en tant qu’Infosyrie, nous trouverons Renaud Girard un peu trop catastrophiste, notamment sur l’antagonisme sunnites/minorités. Parce que la majorité des sunnites ne se retrouve pas dans la rue contre Bachar, et encore moins dans les rangs de l’ASL. On le trouvera aussi injuste dans sa condamnation « de principe » de Bachar qui, contrairement à ce que le reporter écrit au début de son papier, a effectivement lancé un train de réformes historiques et fondamentales, dans un contexte très difficile. Mais on saura gré à Renaud Girard de tirer la sonnette d’alarme dans des milieux que nous n’atteignons pas a priori.

Cérémonie mixte islamo-chrétienne à Damas, en janvier dernier : la fin de Bachar signifierait la fin de l'exception religieuse syrienne

Cérémonie mixte islamo-chrétienne à Damas, en janvier dernier : la fin de Bachar signifierait la fin de l'exception religieuse syrienne

 

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50 commentaires à “Renaud Girard, du Figaro : « Si Bachar est renversé, la liberté religieuse sera balayée en Syrie »”

  1. fatima dit :

    « Renaud Girard : il ne dit rien que nous ne sachions déjà sur la Syrie, mais il le dit aux lecteurs du Figaro – et à Alain Juppé ? »..

    Dis donc, au « figaro » il y a du progrès !!!! Tant mieux, si c’est le cas. Mais, je constate qu’il avance dans leurs propos et recule en même temps( dans le cas de la Syrie)..Avec ce quotidien, il faut se réjouir du peu de vérité qu »il affiche de temps en temps..Au moins, selon vous Louis, les oligarchies avec jupette arriveront à connaitre la vérité qu’ils ne veulent plus l’avouer..
    Il ne faut pas être pressé !!!.Dans ce pays, chacun a son rythme..

    • lafleuriel dit :

      Et justement au premier rang, deuxième fauteuil et tout à fait à droite de la photo la dame assise c’est Madame Colette Khoury mon amie depuis des années et celle qui avec d’autres amis droits dans leurs bottes et si honnêtes et si amoureux de leur pays et avec une telle intelligence de ce qui s’y passait et si passe et dans toute la région et si proche du peuple palestinien aussi; m’ont si bien expliqué la Syrie et la dignité de ces gens. J’entends Colette avec son « ‘Oh mais tu sais, le peuple syrien, mais quelle élégance ! .
      Mme Khoury chrétienne et si tolérante, si infatigable dans la recherche du dialogue entre toutes les composantes du peuple syrien, si clairvoyante et si fine analyste des manipulations y compris des menées de ses soit-disants opposants les Monsieur Pipe ou dames Kodmani à qui s’ils avaient le courage d’aller la rencontrer et si elle voulait bien les recevoir -ce qu n’est pas sûr du tout – leur donnerait une belle leçon de civisme…
      .Mme Khoury elle qui elle n’a jamais quitté Damas, dont le grand père est un héros de l’indépendance syrienne, qui a toujours défendu son pays et qui quand je lui parle régulièrement me dit tout son mépris pour les Juppé et pour ces opposants marionnettes.

    • Akyliss dit :

      pour rappeler que la France de Sarkozy est en pointe niveau mensonge et manipulation contre la Syrie, lisez ce texte :

      http://www.michelcollon.info/Manipulation-du-Conseil-de,3559.html

      et ce lien pour rappeler que Londres avec son Rami n’est pas en reste…

      http://www.michelcollon.info/Syrie-exemples-de-manipulations.html

    • coucou dit :

      C’est sûr quand il s’agit de défendre le crédo islamophobe tous sont d’accord.

      La liberté religieuse dans un pays où on légifère contre tout ce qu’on ne veut pas voir.

      Ce qui fait délirer avec les dictatures laïques c’est que quoi qu’il arrive malgré tous les coups dans la figure, les bassesses etc… il retourne à le maman.

      Si les choses se calmait et que sarkazy réélu invité Al Assad à Paris, celui-ci accourerait comme il l’a fait par le passé. Ils sont tous plus pathétiques les uns que les autres. Incapables de tenir une ligne de conduite.

      A part peut-être le Hizbollah d’après ce que j’en sais et c’est surement ça principale qualité, c’est ce qui caractérise les musulmans. Les autres…

  2. charif dit :

    oh syriens qu’attendez-vous encore des intellectuels qui, ici et là, à intervalles codifiés, sortent de leur mutisme pour dire des choses que le commun des mortels connait déjà. la palissade que cet intellectuel reprend, Sarkozy la connait, monseigneur BCHARA ERRAI, lors de sa célèbre visite en France, a martelé cette certitude , oh combien connu aux politicards français, n’est ce pas le cas des chrétiens d’Irak un exemple vivant? quelqu’un, de la classe politique française de gauche ou de droite, s’en est-il ému politiquement parlant?
    non, cet aspect est utile pour l’instrumentaliser oui mais pas dans le cas de la Syrie. La chrétienneté a servi, entre autres, à une certaine époque comme un motif de colonisation, elle sert aujourd’hui dans un autre contexte, pour justifier des ingérence, dans certains pays musulmans , au titre de la liberté.
    hélas, les chrétiens d’orient ne sont pas les juifs d’occident, qui sont si adulés, si écoutés et peut être bien déifiés que le président de la première puissance mondiale, surtout actuelle,se montre à leur égard d’une servilité si abjecte et si avilissante pour un président « etatsunien ». Quelle décadence, pour une nation d’aussi récente naissance et sans noble histoire

    on veut du concret, sur une assemblée nationale française et un sénat , un seul député a osé adressé, à la « jupette », comme on l’a si bien qualifié sur ce site,des questions sur les gesticulations de la France;

    • Marie dit :

      Il n’y a rien à attendre d’une France inféodée et rackettée par les Etats Unis , il est urgent pour notre pays de se débarrasser de tous les menteurs médiatico politique, financés par la banque et les pays du Golfe et dont Israel sort toujours gagnant.La France ne peut exister que si elle mène une politique entre les deux grands blocs avec une politique arabe intélligente( son intérêt est surtout avec le bloc de l’Est et non avec les USA qui nous livrent une guerre à mort(Mitterrand).
      Mais il est encore plus urgent pour les arabes d’identifier les véritables ennemis sous peine d’être tués plusieurs fois….Le choc des Civilisations, concept vendu par les RICCAINS fait partie de la panoplie de destruction massive des arabes.
      Cette identification des risques et des enjeux doit s’accompagner d’une posture de résistance qui pourrait éviter un conflit mondial dont les banques ont intérêt car elles rebondissent après chaque conflit majeur….( regardez l’histoire)
      On voit bien que le guerre contre la Syrie fait partie d’un vaste plan qui dépasse de loin le fait de savoir si son président est musulman( un peu, beaucoup, passionnément) ou bien démocrate un peu ou pas du tout….
      Quelque chose me dit que si la troisième guerre mondiale éclate, ce n’est pas de la faute à Bachar mais quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt…

  3. sowhat dit :

    la grande majorité des musulmans sunnites syriens sont derrière Bachar. Si ce n’était pas le cas, l’état se serait effondré depuis longtemps.

    • fatima dit :

      Bravo , Sowhat. C’est très dit.
      Je t’incite à lire un article sur arabi-press écrit par un journaliste son non est Khoudair.

      @charif, vous savez , Charif, C’est grâce aux chrétiens de la Syrie, Syrie actuelle et Liban, (au temps de l’occupation turque qui a duré 4 siècle . 4 siècle de l’ignorance totale et dans l’obscurantisme) que la langue arabe est gardée. Et c’est grâce à Abou Khalil Kabani , sunnite, que le théâtre a eu lieu dans le monde arabe .
      Ce que je veux dire, que l’existence des chrétiens à côté de toutes les autres religions est essentielle . La Syrie est comme un tableau de mosaïque, s’il y a une pierre qui manque, le tableau est abimé.. Merci , Charif de ton soutien

      • Byblos dit :

        Merci Fatima.
        Et ce sont les chrétiens d’Orient (du Croissant Fertile précisément) qui, épuisés par l’occupation byzantine, ont accueilli en héros les cavaliers arabes. Et c’est le chrétien d’Iraq Izhaq ibn Honein qui a traduit en arabe les grands philosophes grecs et les a révélés aux Arabes…
        À leur tour, ceux-ci conserveront fidèlement ce précieux héritage et les transmettront en Andalousie à une Europe qui les avait perdus.
        Et d’immenses poètes arabes CHRÉTIENS peuplent notre littérature. Al Akhtal, qui a vécu sous les Ommeyyades, et qui était surnommé «Amir al chou3ara’» (prince des poètes) n’en est pas le moindre.
        Et ce sont les moines maronites du monastère d’Aïn Warqah au Mont Liban qui introduiront la première imprimerie en caractères arabes et ce, dès le XVIème siècle.

        • Byblos dit :

          Je voudrais ajouter que je connaissais une tradition concernant la prise de Jérusalem par Omar Ibn el Khattab. J’en ai eu la confirmation sur Wikipedia à l’article qui lui est consacré. En voici un extrait :

          «…À Jérusalem, le patriarche Sophrone voulut traiter directement avec `Omar et que celui-ci vienne en personne dans la cité. `Omar accorda sa protection aux habitants de la ville au terme d’une lettre remise à ce patriarche. Il garantit la sauvegarde des sites chrétiens et donna ordre à ses hommes de ne pas les détruire et de ne pas les utiliser comme habitations. Le récit d’Eutychius raconte qu’`Omar ibn al-Khattab visita l’église de la Résurrection et s’arrêta pour s’asseoir sous son porche; mais, au moment de la prière, il s’éloigna de l’église et fit sa prière en dehors. Il craignait que les générations futures ne prennent le prétexte d’une prière de lui à l’intérieur de l’église pour la transformer en mosquée. Eutychius ajoute que Omar ben al-Khattab avait écrit un décret interdisant aux musulmans de se réunir en ce lieu pour y prier. ‘Omar se rendit aussi sur l’esplanade du Temple à l’endroit où, d’après le Coran, Mahomet a été emmené la nuit53. Ayant inspecté ces lieux, il fit ses prières là où se situe maintenant la mosquée Al-Aqsa…»

          La bienveillance, la tolérance, le respect de l’Autre sont des vertus éminemment arabes, en dépit des caricatures que l’Occident en a faites pour camoufler ses propres turpitudes. En effet, les massacres d’Iraq et de Libye ont de «glorieux» antécédents en Algérie par exemple.
          Comment ne pas faire un parallèle entre cette entrée d’Omar à Jérusalem et celle du général français Gouraud à Damas en 1918. Son premier haut fait dans cette ville fut de se diriger directement vers la tombe du noble Salaheddine el Ayyoubi dont le médecin personne el soigna et guérit son ennemi Richard Coeur de Lion. Gouraud mit son pied botté sur la tombe de Salaheddine et s’écria :«Saladdin, nous voici de retour».
          Chevaleresque, bien sûr!

  4. AVICENNE dit :

    La démocratie : « toujours fille de la réforme, de l’évolution lente, jamais de la révolution ».

    C’est une phrase extraordinaire !.
    Pour le reste, c’est étonnant et cela donne du baume au coeur.

    L’analyse me semble asser juste et je reconnais (enfin !) la Syrie que je connais.

    Et s’il sagissait d’un premier pas vers une prise de conscience collective ?

    • NO PASARAN dit :

      Phrase de qui ?

    • Kinan dit :

      Un article de toute première importance dans l’Orient-le-Jour sur le groupe libanais Jamaa al-Islamiya :
      http://www.lorientlejour.com/category/%C3%80+La+Une/article/742937/Le_soudain_reveil_de_la_Jamaa_islamiya_….html

      LE SOUDAIN REVEIL DE LA JAMAA ISLAMIYA …

      Par Scarlett HADDAD | 01/02/2012

      Éclairage

      De jour en jour, le dossier syrien se fait de plus en plus influent sur la scène interne libanaise. Les tentatives de certains responsables de garder le Liban à l’abri des développements syriens ne semblent pas devoir résister à la pression des événements. Un ministre a récemment déclaré à ses visiteurs que le Liban ne peut pas être neutre vis-à-vis de la crise syrienne, à cause de l’importance de la Syrie pour sa stabilité économique et sécuritaire. 90 % des exportations libanaises vers le monde arabe passent en effet via la Syrie. Et au plus fort de la crise entre le courant du Futur et le régime syrien en 2005, Saad Hariri avait en vain songé à trouver d’autres voies pour l’exportation.

      De même, si une zone d’exclusion aérienne devait être décidée au-dessus de la Syrie, les avions de la MEA se trouveraient devant un dilemme important, n’ayant pas de couloir aérien (puisque l’espace aérien israélien leur est interdit) pour passer vers le monde arabe. Sans parler des menaces qui pèsent sur le secteur bancaire libanais si la communauté internationale décidait réellement d’empêcher l’afflux de fonds syriens vers le Liban. Bref, pour ces raisons (entre autres) le Liban est finalement directement impliqué dans la crise syrienne. Mais le problème, c’est que cette crise alimente la division entre les Libanais et elle s’est imposée au cœur du débat interne. Plus grave encore, la crise syrienne est devenue un élément déterminant dans la lutte sourde entre le courant du Futur et le Hezbollah, qui cache en réalité un conflit plus large encore entre les sunnites et les chiites.

      L’élément nouveau dans ce conflit est la volonté de moins en moins discrète de la Jamaa islamiya de jouer un rôle prépondérant au Liban. Cette organisation, qui est le pendant libanais des Frères musulmans, avait décidé depuis les années 70 du siècle dernier de garder un profil bas au Liban en raison de la diversité religieuse et confessionnelle du pays, estimant que cette diversité empêche le développement d’un parti ou d’une organisation islamiste.

      Aujourd’hui, avec le retour en force des Frères musulmans dans le monde arabe, à la faveur des révolutions et avec visiblement l’aval des États-Unis et de l’Occident en général, la Jamaa islamiya a décidé de tenter sa chance au Liban. Selon des sources bien informées, le Qatar encouragerait le développement de la Jamaa islamiya au Liban et pourrait bien financer ses activités, notamment la formation de son bras armé « Les forces de l’aube » (al- Fajr) qui sont censées prendre le relais de la résistance contre Israël. Pour l’instant, ces forces sont en train de se constituer et les responsables de la Jamaa islamiya sont attendus prochainement à Doha, puisque l’émirat est devenu en quelque sorte « le parrain » des nouvelles forces du monde arabe et notamment des Frères musulmans, en accord avec la Turquie dont le parti au pouvoir évolue aussi dans la même orbite.

      Outre sa restructuration et le développement de ce qu’elle appelle sa force de résistance, la Jamaa islamiya travaille aujourd’hui sur d’autres axes. Elle cherche ainsi à gagner du terrain auprès de la population en se présentant comme la force du changement et l’élan de la révolution dans le monde arabe. En même temps, elle cherche à s’approprier le dossier des réfugiés syriens au Liban, pour faire le lien avec les Frères musulmans de Syrie et surtout pour devenir le véritable champion libanais de la cause du changement en Syrie. La Jamaa, qui jusqu’à présent avait toujours agi de concert avec le courant du Futur, acceptant tacitement la suprématie de ce dernier sur la scène sunnite, en évitant de chercher à grignoter dans sa base populaire, aurait récemment obtenu un feu vert tacite du Qatar pour élargir sa base, au détriment du courant du Futur. Non pas que celui-ci soit désavoué, mais aujourd’hui, les Frères musulmans ont le vent en poupe et il faut prendre le train en marche. D’autant que le courant du Futur n’a pas les coudées aussi franches pour afficher son islamisme et qu’en raison d’une absence de projet et de vision clairs, il a du mal à se positionner sur le plan régional et arabe.

      Dans une première étape, il s’agit donc pour la Jamaa de s’imposer sur la scène sunnite, en profitant de l’influence grandissante des Frères musulmans sur la scène arabe. Ensuite, il s’agira de présenter aux sunnites arabes une alternative à la résistance contre Israël menée actuellement par le Hezbollah avec l’aide de la Syrie et de l’Iran. En se dotant d’un bras armé en principe destiné à faire de la résistance contre Israël, la Jamaa islamiya gagnera en popularité et en crédibilité dans le monde arabe et passera ensuite à la troisième étape qui consiste à mettre en cause la légitimité des armes du Hezbollah, en utilisant les événements de mai 2008 pour discréditer cette formation et ternir sa résistance.

      De la sorte, le Liban s’inscrira totalement dans le prolongement des développements dans la région et accomplira un nouveau pas en direction de l’éclatement d’un conflit entre les sunnites et les chiites. En parallèle à ce projet, la pression sur le Hamas se poursuit dans une volonté conjointe du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite pour le ramener dans le giron arabe et le dissocier de l’Iran. Or le Hamas s’inscrit aussi dans la double lignée des Frères musulmans et de la résistance contre Israël. De même, des efforts sont déployés pour tenter de récupérer aussi le Jihad islamique, encore plus radical que le Hamas, pour contrôler entièrement toutes les mouvances palestiniennes et retirer la carte de la résistance contre Israël des mains du Hezbollah et de ses alliés iranien et syrien. Avec ces projets (s’ils se réalisent), le Liban sera pleinement impliqué dans la crise syrienne et dans les développements régionaux. Mais comme l’a fait remarquer un ancien ministre et député, il se placera aussi dans l’œil du cyclone, et toutes les parties libanaises en sortiront perdantes…

  5. RoyL dit :

    Est-ce que Monsieur Girard du Figaro sait lire l’anglais? En
    esperant que oui, voici un’analyse qui devrait aider notre *grand
    reporter* dans son — qui sait? — tentatif
    d’emancipation/deculpabilisation, tardive ou pas, au-dela de son
    propre « symplisme » a lui meme:

    http://www.voltairenet.org/In-Lybia-now-the-truth-is-coming
    New York Times interview with Lizzie Phelan
    « In Lybia now the truth is coming out »
    by Lizzie Phelan
    3 February 2012

    • l'étrangère dit :

      « Mais on saura gré à Renaud Girard de tirer la sonnette d’alarme dans des milieux que nous n’atteignons pas a priori ».

      Désolée Monsieur Denghien mais, comme beaucoup d’entre nous, je ne saurai gré à aucun de ces journalistes coupables de ce que le tribunal de l’histoire ou les instances déontologiques jugeront tôt ou tard ! Trop facile de se démarquer du troupeau maintenant qu’une partie de la vérité lui explose à la figure ! D’autant plus que les propos qu’il tient (d’après ce que écrivez… je n’ai pas lu l’article) ont rapport avec le comment et non pas avec le pourquoi. Autrement dit, le jour où il reconnaîtra que la mosaïque religieuse syrienne a été mise à profit par son gouvernement et son journal pour réaliser les visées hégémoniques qu’il ne peut ignorer, nous réétudierons la question… Qu’il apprenne à parler des citoyens syriens comme d’un peuple qui mérite le respect. Ce peuple, après avoir souffert de tous les mensonges et omissions, n’apprécie pas ses demi-vérités !

      • Souriya ya habibati dit :

        Je suis d’accord avec vous chère l’étrangère concernant tous ces journalistes « en général aussi incultes qu’alignés politiquement » et je voudrais en même temps défendre notre cher Louis.. Sa phrase « Mais on saura gré à Renaud Girard de tirer la sonnette d’alarme dans des milieux que nous n’atteignons pas a priori. » sonne à mon oreille comme si elle était teintée d’une grande touche d’ironie.. devant le réveil de tous ces dormants qui se frottent les yeux et s’étirent les bras après un long dodo qui a duré dix mois.. C’est comme s’il disait « Sah ennom ».. à tous ces bobos qui ont appris l’Histoire dans des reader digest.. pour s’atteler par la suite à l’inculquer à leurs ouailles après les avoir lobotomiser des mois et des mois… J’ai bien envie de leur dire ha ha ha..
        Souriya Allah hamiha

        • l'étrangère dit :

          Rassurez-vous Souria ya habibati… Je commence à connaître le style de Monsieur Denghien… Si je l’avais visé je me serais adressé à lui… Votre remarque est peut-être nécessaire pour les infosyriens… Moi, je sais de quoi et à qui nous sommes redevables pour lutter contre la désinformation… Ne vous trompez pas de cible SVP, ce n’est certainement pas LD !!!

          • Souriya ya habibati dit :

            Je sais ma chère l’étrangère, je serai à jamais reconnaissante à LD & Infosyrie pour avoir eu l’idée de créer ce site, et ce, dans « ces temps-là » où tous les bobob lobotomisés suivaient jour et nuit la saga d’amina la bloggeuse gay et son barbu de concepteur.. Nous étions loin, à ce moment-là, de soupçonner tant de ‘ihr médiatique…

            Gros bisous l’étrangère,
            Souriya Allah hamiha

        • C Fabrice dit :

          S’il vous plait….pas le A A A, vous allez fâcher mon « président ».

  6. NO PASARAN dit :

    Il ne faut pas perdre de vue, non plus, pour Hama, en 1982, que les événements se sont passés après PLUSIEURS ANNEES d’assassinats contre les minorités !!!

  7. NO PASARAN dit :

    Je ne suis pas d’accord avec vous, le traitement des manifestations était le même au début, même pire pour les policiers !!! On les envoyait, les pauvres, sans autre arme que leur bâton !!! Une vrai boucherie. C’est par la suite qu’il a été procédé à une lutte plus égale. Et, si vous voulez parlez des adolescents de Deraa qui ont été maltraités par un officier, il est notoire que cet homme est un gros c****** violent. (par contre, l’Etat aurait du médiatiser les sanctions prises contre lui car plus un mot sur cette histoire… mais j’ai peut-être loupé un épisode.) D’ailleurs, c’est clairement exprimé dans le plan Bandar qu’il faut procéder ainsi pour « allumer le feu » : provoquer les forces de l’ordre pour qu’elles commettent des bavures et ainsi rallier plus de monde aux manifestations (plus détails techniques pour y parvenir).

  8. SORISHARIF dit :

    Nos bravent frères Tunisiens : l’observateur tunisien Fathi Bel Haj sur la télévision tunisienne dénonce la violence de l’opposition armée en Syrie , et la Falsification médiatique … et accusent les pays du golf de unilatéralité anti-syrienne à propos du dossier syrien

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=_F23E-hzkSc

  9. Cécilia dit :

    Merci infosyrie pour l’article.

    Nous savons, nos lecteurs infosyrie, les informations dans l’article du Figaro.

    J’adore la photo de votre article. Elle est prise à l’église La Croix Sacrée à Damas et si vous regardez bien, des femmes non seulement ne sont pas voilées, mais elles sont, en plus, assises à côté des religieux musulmans.
    Cela est imaginable nul part ailleurs qu’en Syrie où le Coran est lu dans une église par des chrétiens et musulmans. De même, la prière « Pater » est lue par des religieux musulmans (j’ai déjà poste une vidéo sur ce sujet à Noël).

    Donc, nous savons maintenant pourquoi nos religieux musulmans en Syrie sont traités de « kuffar, mécréants par les fous d’Allah, pro démocrates, pro Occident, pro OTAN, d’Arabie et consorts ?
    Ces fous veulent établir leur islam et le prêcher depuis la Mosquée des Omayades à Damas, très chargée de symboles islamiques.
    D’ailleurs aller faire un discours religieux dans la mosquée des Omayades à Damas est une fierté et un privilège pour tout imam et religieux dans le monde islamique.

    La tradition islamique dit que le Messie viendra à la fin du monde de Damas et très précisément de la Mosquée des Omayades où il va prêcher.
    Dans cette mosquée se trouve la tombe de Saint Jean-Baptiste (Yhaya pour les musulmans) et celle de Saladin ainsi la tête de Hussein, le martyre de Karbala (en Irak) et le petit-fils du prophète.

    Damas a été aussi bénie par le prophète ainsi que ses habitants.

    A travers l’histoire, des religieux, des philosophe y sont installés chercher Dieu ou la paix comme Ibn Arabie, le grand maître mystique, né en 1165, à Murcie (l’Espagne musulmane de l’époque), et mort en 1240, à Damas).

    Appelé également « le plus grand maître ». Il était le premier philosophe musulman à formaliser la tradition mystique « soufie », et aussi un théologien, juriste, poète, métaphysicien et maître arabe-andalous du taçawuff, auteur de 846 ouvrages dont le plus célèbre « Les Conquêtes mecquoises » et « Fusus al-hikmah, Les Gemmes de la sagesse » où le point de départ de sa spéculation est la théorie du Logos. D’après lui, chaque prophète correspond une réalité qu’il appelle un Logos « kalima » et qui est un aspect de l’Être Divin unique.
    Dans le domaine métaphysique aussi, il est le plus grand penseur de la doctrine ésotérique du « wahdat al wujud » (l’Unité de l’existence). Dans l’ésotérisme islamique, il est considéré comme le « sceau de la Sainteté ».

    Ibn Arabi est Célèbre par sa formule :
    Le voyage vers Dieu, par Dieu, en Dieu

    Enterré à Damas où il est connu par tous les Syrien sous le nom Muhyy al-Din (son prénom), sa tombe est vénérée par tous les Syriens.

    Un autre grand homme de notre époque moderne a choisi Damas comme asile, c’est l’Algérien, l’émir Abdel-Qader, connu pour son rôle syrien contre les massacres des chrétiens à Damas en 1860 sans oublier surtout son rôle dans la résistance contre la présence française en Algérie.

    C’est ma Syrie que j’adore et qu’Allah hamiha !

    • NO PASARAN dit :

      En plus, juste petit détail, mais pourquoi pas, pour illustrer la mosaïque syrienne, il y a également des Kurdes chrétiens et des Syriaques musulmans !

      • Cécilia dit :

        Oui, tu as parfaitement raison. J’avais connu il y a quelques années à Marseille un médecin, une kurde chrétienne qui est partie plus tard s’installer à Londres.

        Il faut plusieurs articles pour « illustrer la mosaïque syrienne » comme te le dit. J’essaye souvent de faire court pour ne pas trop ennuyer nos lecteurs.

        • NO PASARAN dit :

          En fait, moi, j’ai un ami Kurde chrétien et mes voisins sont des Syriaques musulmans de Jabadeen. (à côté de Maaloula) Hi ! Hi ! En habitant ici, pas besoin de livres pour découvrir la Syrie ! (Je rigole, j’adore les livres, donc, c’est sûr, ça m’intéresse toujours de lire là-dessus !PAr contre, dur dur, plus de CCF, plus de librairie (même si elle était petite, ça faisait quand même de la lecture… Heureusement qu’il y a internet, mais bon, il n’y a pas de romans…)

  10. fareska dit :

    Merci Louis pour cette article car pas plus tard qu’hier j’ai posté un commentaire sur l’article concernant un témoignage sur Alep ou je disais que la majorités des sunnites sont du coté du président Syrien,elle est même supérieure numériquement à l’ensemble des autres communautés minoritaires.

  11. SORISHARIF dit :

    Le problème n’est pas les journalistes Français, il est celui des employeurs payeurs et ça ne changera pas tant que la Syrie est dans l’axe de la résistance.
    Le jour où la Syrie signera un plan de paix aves Israël, la mauvaise dictature Syrienne deviendra une bonne dictature et on entendra plus parler de justice, de liberté et de démocratie.
    La ligne actuelle des médias Français vis àvis de la Syrie existe depuis 1963 et ne date pas d’aujourd’hui meme quand les relations diplomatiques étaient au top.

  12. Kinan dit :

    Un article de toute première importance dans l’Orient-le-Jour sur le groupe libanais Jamaa al-Islamiya :
    http://www.lorientlejour.com/category/%C3%80+La+Une/article/742937/Le_soudain_reveil_de_la_Jamaa_islamiya_….html

    LE SOUDAIN REVEIL DE LA JAMAA ISLAMIYA …

    Par Scarlett HADDAD | 01/02/2012

    Éclairage

    De jour en jour, le dossier syrien se fait de plus en plus influent sur la scène interne libanaise. Les tentatives de certains responsables de garder le Liban à l’abri des développements syriens ne semblent pas devoir résister à la pression des événements. Un ministre a récemment déclaré à ses visiteurs que le Liban ne peut pas être neutre vis-à-vis de la crise syrienne, à cause de l’importance de la Syrie pour sa stabilité économique et sécuritaire. 90 % des exportations libanaises vers le monde arabe passent en effet via la Syrie. Et au plus fort de la crise entre le courant du Futur et le régime syrien en 2005, Saad Hariri avait en vain songé à trouver d’autres voies pour l’exportation.

    De même, si une zone d’exclusion aérienne devait être décidée au-dessus de la Syrie, les avions de la MEA se trouveraient devant un dilemme important, n’ayant pas de couloir aérien (puisque l’espace aérien israélien leur est interdit) pour passer vers le monde arabe. Sans parler des menaces qui pèsent sur le secteur bancaire libanais si la communauté internationale décidait réellement d’empêcher l’afflux de fonds syriens vers le Liban. Bref, pour ces raisons (entre autres) le Liban est finalement directement impliqué dans la crise syrienne. Mais le problème, c’est que cette crise alimente la division entre les Libanais et elle s’est imposée au cœur du débat interne. Plus grave encore, la crise syrienne est devenue un élément déterminant dans la lutte sourde entre le courant du Futur et le Hezbollah, qui cache en réalité un conflit plus large encore entre les sunnites et les chiites.

    L’élément nouveau dans ce conflit est la volonté de moins en moins discrète de la Jamaa islamiya de jouer un rôle prépondérant au Liban. Cette organisation, qui est le pendant libanais des Frères musulmans, avait décidé depuis les années 70 du siècle dernier de garder un profil bas au Liban en raison de la diversité religieuse et confessionnelle du pays, estimant que cette diversité empêche le développement d’un parti ou d’une organisation islamiste.

    Aujourd’hui, avec le retour en force des Frères musulmans dans le monde arabe, à la faveur des révolutions et avec visiblement l’aval des États-Unis et de l’Occident en général, la Jamaa islamiya a décidé de tenter sa chance au Liban. Selon des sources bien informées, le Qatar encouragerait le développement de la Jamaa islamiya au Liban et pourrait bien financer ses activités, notamment la formation de son bras armé « Les forces de l’aube » (al- Fajr) qui sont censées prendre le relais de la résistance contre Israël. Pour l’instant, ces forces sont en train de se constituer et les responsables de la Jamaa islamiya sont attendus prochainement à Doha, puisque l’émirat est devenu en quelque sorte « le parrain » des nouvelles forces du monde arabe et notamment des Frères musulmans, en accord avec la Turquie dont le parti au pouvoir évolue aussi dans la même orbite.

    Outre sa restructuration et le développement de ce qu’elle appelle sa force de résistance, la Jamaa islamiya travaille aujourd’hui sur d’autres axes. Elle cherche ainsi à gagner du terrain auprès de la population en se présentant comme la force du changement et l’élan de la révolution dans le monde arabe. En même temps, elle cherche à s’approprier le dossier des réfugiés syriens au Liban, pour faire le lien avec les Frères musulmans de Syrie et surtout pour devenir le véritable champion libanais de la cause du changement en Syrie. La Jamaa, qui jusqu’à présent avait toujours agi de concert avec le courant du Futur, acceptant tacitement la suprématie de ce dernier sur la scène sunnite, en évitant de chercher à grignoter dans sa base populaire, aurait récemment obtenu un feu vert tacite du Qatar pour élargir sa base, au détriment du courant du Futur. Non pas que celui-ci soit désavoué, mais aujourd’hui, les Frères musulmans ont le vent en poupe et il faut prendre le train en marche. D’autant que le courant du Futur n’a pas les coudées aussi franches pour afficher son islamisme et qu’en raison d’une absence de projet et de vision clairs, il a du mal à se positionner sur le plan régional et arabe.

    Dans une première étape, il s’agit donc pour la Jamaa de s’imposer sur la scène sunnite, en profitant de l’influence grandissante des Frères musulmans sur la scène arabe. Ensuite, il s’agira de présenter aux sunnites arabes une alternative à la résistance contre Israël menée actuellement par le Hezbollah avec l’aide de la Syrie et de l’Iran. En se dotant d’un bras armé en principe destiné à faire de la résistance contre Israël, la Jamaa islamiya gagnera en popularité et en crédibilité dans le monde arabe et passera ensuite à la troisième étape qui consiste à mettre en cause la légitimité des armes du Hezbollah, en utilisant les événements de mai 2008 pour discréditer cette formation et ternir sa résistance.

    De la sorte, le Liban s’inscrira totalement dans le prolongement des développements dans la région et accomplira un nouveau pas en direction de l’éclatement d’un conflit entre les sunnites et les chiites. En parallèle à ce projet, la pression sur le Hamas se poursuit dans une volonté conjointe du Qatar, de la Turquie et de l’Arabie saoudite pour le ramener dans le giron arabe et le dissocier de l’Iran. Or le Hamas s’inscrit aussi dans la double lignée des Frères musulmans et de la résistance contre Israël. De même, des efforts sont déployés pour tenter de récupérer aussi le Jihad islamique, encore plus radical que le Hamas, pour contrôler entièrement toutes les mouvances palestiniennes et retirer la carte de la résistance contre Israël des mains du Hezbollah et de ses alliés iranien et syrien. Avec ces projets (s’ils se réalisent), le Liban sera pleinement impliqué dans la crise syrienne et dans les développements régionaux. Mais comme l’a fait remarquer un ancien ministre et député, il se placera aussi dans l’œil du cyclone, et toutes les parties libanaises en sortiront perdantes…

    • l'étrangère dit :

      extrait de l’article de l’Orient le Jour :
      http://www.lorientlejour.com/category/%C3%80+La+Une/article/742937/Le_soudain_reveil_de_la_Jamaa_islamiya_….html

      « la crise syrienne est devenue un élément déterminant dans la lutte sourde entre le courant du Futur et le Hezbollah, qui cache en réalité un conflit plus large encore entre les sunnites et les chiites ».

      On dirait du « Adler » !!! Par le petit bout de la lorgnette…

      • Kinan dit :

        L’étrangère, je suis assez d’accord pour dire qu’une lecture strictement confessionnelle (à la Adler) de la politique moyen-orientale est souvent biaisée, et cache des arrière-pensées.

        Cependant la confessionnalisation du champ politique moyen-oriental est bel et bien une réalité – au moins depuis 1979, et je dirai même, pour certains acteurs, une stratégie.

        Ainsi il est clair qu’il existe une volonté américaine, saoudo-qatarienne et israélienne de faire apparaître le Bloc de la fermeté (Téhéran, Damas, Hamas-Jihad islamique palestiniens, et Hezbollah libanais) comme un arc chiite, afin de le discréditer, de le dissoudre et éventuellement de récupérer la Syrie après la perte de l’Irak dominé par les chiites (pour les saoudo-qatariens). Mais aussi in fine de redessiner la carte politique du Moyen-Orient selon des principes ethnico-confessionnels, pour les Américains et les Israéliens.

        Indéniablement cette alliance hétéroclite US-OTAN-CCG a obtenu récemment des résultats puisque la Turquie (sunnite) s’est éloignée de Téhéran et contribue à la déstabilisation de la Syrie, et que la direction du Hamas qui subit de nombreuses pressions (notamment du Qatar) est partagée quant au fait de maintenir sa banche militaire à Damas (qui plus est dans un contexte où se pose la question du renouvellement de Meshaal à son poste).

        L’idée d’utiliser les Frères musulmans libanais pour saper la résistance du Hezbollah prend donc place dans cette stratégie de fitnah et d’affaiblissement/confessionnalisation du Bloc de la Mumana’a. Une tentative dans ce sens avait déjà été faite au Liban en instrumentalisant le groupe palestinien Fatah al-Islam à Nahr al-Bared (menant finalement à un assaut très brutal de l’armée libanaise sur le camp palestinien tenu par ces jihadistes sunnites).

        Ceci dit la crise syrienne ne peut se lire évidemment avec ce seul critère confessionnel mais nier cette stratégie – et ses résultats réels – est une erreur.

        J’ajouterais que :
        * 1°. Que le régime syrien a indéniablement un caractère confessionnel depuis 1963 (victoire des arsouzistes du « Comité militaire » de 1959) notamment dans la direction des services de sécurité, même si ce caractère s’est peut-être atténué et qu’il est largement exagéré par les détracteurs de Bachar.
        * 2°. Que l’Iran a joué aussi à ce jeu confessionnel en Irak pour se garantir un régime ami et doubler les Américains à leur propre jeu, et qu’objectivement ce jeu iranien en Irak n’a pas favorisé la réconciliation entre la majorité chiite et la minorité sunnite qui aurait pu se faire contre la présence américaine. Je me rappelle ainsi que lors de l’insurrection de la ville sunnite de Falloujah en 2004, certains des porte-paroles des insurgés sunnites irakiens parlaient élogieusement du chiite Moqtada al-Sader – montrant par là qu’une possibilité de réconciliation existait à ce moment là.

        Cordialement.

        • l'étrangère dit :

          Bonjour Kinan,
          Je viens de prendre connaissance de votre commentaire.
          Je ne nie pas cette stratégie… je la refuse ! Je rêve peut-être… mais c’est un rêve que beaucoup d’entre nous ont caressé.
          Vous n’êtes pas sans savoir qu’Adler, Sfeir… passent leur temps à nous expliquer que tous les drames (Irak, Liban, Syrie…) ont pour racine la haine réciproque entre les sunnites et les chiites… CQFD pour ma remarque !
          Ceci dit, merci pour votre analyse… je ne la conteste absolument pas.
          Très cordialement.

      • Byblos dit :

        Toutes mes excuses à «l’étrangère». Mais je ne crois pas qu’il existe véritablement « un conflit [plus large encore] entre les sunnites et les chiites». La preuve en est l’immense popularité d’un Cheikh Hassan Nasrallah du Mashreq au Maghreb, et au coeur même du sunnisme. Il y a peut-être un conflit entre chiites et wahhabites, le wahhabisme étant très éloigné, sinon aux antipodes du sunnisme. Lire le site oumma.com à ce sujet.
        Il y a certainement une tentative de susciter un tel conflit qui diviserait les Arabes mais éloignerait aussi la Turquie de l’Iran qui ont pourtant des intérêts vitaux en commun.
        Cette FITNA (discorde) permettrai d’appliquer à un Moyen Orient très élargi, la stratégie du choc (cf. le même titre de Naomi Klein) et d’entraîner son morcellement depuis le Maroc jusqu’au Pakistan.
        Nous sommes très, mais très loin des velléités de Mr. Pipe (ghalioun), ou des ambitions ridiculement démesurées du bédouin qatariote qui n’est pas encore sorti du désert. (Ici, au Québec, nous aurions dit : qui n’est pas encore sorti du bois).

  13. Kinan dit :

    Article intéressant (comme toujours) de Pepe Escobar sur Asia Times OnLine (en anglais):
    « Exposed : the arab agenda in Syria »
    http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/NB04Ak01.html

    Traduction partielle et commentaire sur le site de la revue Afrique Asie d’un article d’Asia Times OnLine d’Aislyng Byrne « Syrie, les magouilles de l’ONU » :
    http://www.afrique-asie.fr/moyen-orient/27-actualite/2273-syrie-les-magouilles-de-lonu-et-de-la-ligue-dite-arabe.html

  14. Etudiant dit :

    http://fullcomment.nationalpost.com/2012/01/30/hind-aboud-kabawat-the-assad-delusion/

    Article très intéressant, d’une chrétienne issue de la bourgeoisie damascène, reconnue en Syrie pour y avoir amené un certain nombre de délégation internationale afin de faire la promotion de son pays.
    Après des années de soutien à Bachar, elle a décidé, avec une rare honneteté, de réviser son jugement.

    • mécréante dit :

      Et alors ?
      Détailes inutiles « Etudiant »
      moi je suis issue de la bourgeoisie damascène sunnite !
      Ca rajoute quoi à l’info ?
      ça fait de belles jambes à tout le monde….

      • Etudiant dit :

        Ca illustre le fait que même des gens qui ont cru en Bachar, et à ses réformes économiques durant des années sont aujourd’hui en train de se poser des questions. Pourtant jusqu’à maintenant peu de gens issus de cette tranche sociale ne s’étaient manifestés, même si certains soutenaient la révolution de manière silencieuse mais non moins active. Alors que ces individus sont réputés proche du régime (par conviction ou opportunisme), cet article montre que certain et certaine n’hésitent plus à faire preuve de scepticisme sur la capacité de Bachar à mener le pays. Voilà en quoi ce « détail inutile » s’avère au final très révélateur.

        De manière calme et posée, je vous invite d’ailleurs à réagir à cet article, en commentant le développement de madame Kabawat.

        • Cécilia dit :

          Mais Etudiant « une hirondelle ne fait pas le printemps » !

          Des rupteurs arrivent dans toutes les familles politiques dans le monde entier.
          Combien d’hommes politiques français ont changé du camp ?

          Merci quand même !

          • Etudiant dit :

            C’est exact Cécilia.
            Mais l’une des caractéristiques humaines primaires est le comportement moutonnier.
            Si ce retournement public est, il est vrai, très isolé, il pourrait en annoncer d’autre dans les semaines à venir, d’autant plus que la situation économique se détériore au fil des jours du fait des sanctions (pétrole surtout), du climat d’insécurité (1er fabricant de sucre en Syrie qui décide d’arrêter sa production !) et de certaines politiques économiques mise en oeuvre (59% de hausse dans le budget syrien pour 2012 et presque aucune de rentrée de revenus pour les finances publiques du fait des sanctions sur le pétrole, l’absence de nouveaux acheteur…).
            Or les élites économiques syriennes ne souhaitent pas voir leur affaires s’écrouler. La situation actuelle doit donc considérablement les inquiéter et les faire cogiter sur leur position.
            Mais il est vrai que je ne m’attend pas à quelconque surprise sous peu …

  15. Gallus dit :

    Il se trouve que je connais personnellement M. Renaud Girard. Nous nous voyons de temps en temps pour boire un verre. La première fois que je lui ai parlé de la Syrie, c’était en octobre. A l’époque, il estimait que le régime baassiste était fichu et que Bachar et sa famille seraient « suspendus à un croc de boucher ». Je lui avais fait part de mon opinion et notamment sur le fait que les sunnites n’étaient nullement unanimes dans la révolte contre le régime. Deux mois plus tard,il fit à l’interallié une conférence sur le sujet, beaucoup plus mesurée, mais pronostiquant tout de même la fin de Bachar « d’ici un an ». Je vois que sa position a encore changé, et dans le bon sens. Oserai-je dire que mes propos sont dans une faible mesure pour un tout petit quelque chose dans son évolution?

  16. jp laine dit :

    Comme quoi il ne faut jamais désespérer… Il peut y avoir des plumes honnêtes et des journalistes objectifs. Ce n’est pas toujours le cas. Exaspéré par la révérence excessive de la majorité de nos médias envers les « informations » balancées par l’officine basée à Londres (0SDH), je me suis permis de faire remarquer dans un message à un grand quotidien français que le recoupement des sources avant de publier un article me semblait être la base du métier de journaliste. Erreur fatale! Crime de lèse pensée unique! Il m’a été répondu par le « comité de modération » (sic) que mon message était rejeté! Vive la presse dite « libre »! Cependant, les ficelles de la manipulation commencent à être si grosses que le doute va peut-être naître même dans les esprits manipulés des téléspectateurs des journaux télévisés? Il n’est pas interdit d’espérer et donc de réinformer comme vous tentez de le faire avec talent.

  17. JMR dit :

    Merci à tous ceux qui, dans ce site, consacrent leurs énergies à défendre la liberté et la justice contre le terrorisme de l’OTAN.

    Voici un site des moniales du Monastère de Saint Jacques Le Mutilé en Syrie avec le témoignages des exactions horribles exercées par les terroristes financés par l’OTAN et les pétromonarchies rétrogrades de la région.

    http://www.maryakub.org/

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