• Décryptage
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Que veut la Turquie ? Vendredi matin 17 juin une source officielle turque a annoncé que le nombre de réfugiés syriens en Turquie se montait à 9 700. Dont 1 200 arrivés dans la nuit de jeudi à vendredi précise la même source. Un représentant du gouvernement syrien a été reçu jeudi par les autorités turques à ce sujet. L'attitude du gouvernement turc vis-à-vis de la situation en Syrie demeure marquée du sceau de l'ambiguité : le ministre turc des Affaires [...]



Géopolitique & propagande : de l’utilité des réfugiés syriens

Par Guy Delorme,




Que veut la Turquie ?

Vendredi matin 17 juin une source officielle turque a annoncé que le nombre de réfugiés syriens en Turquie se montait à 9 700. Dont 1 200 arrivés dans la nuit de jeudi à vendredi précise la même source. Un représentant du gouvernement syrien a été reçu jeudi par les autorités turques à ce sujet. L’attitude du gouvernement turc vis-à-vis de la situation en Syrie demeure marquée du sceau de l’ambiguité : le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglou a déclaré  jeudi que son pays fournirait une aide humanitaire aux réfugiés syriens, non seulement en Turquie mais également de l’autre côté de la frontière, en Syrie même. Ankara songerait-elle à utiliser les troubles en Syrie pour pousser ses pions militaires dans le secteur, comme elle a pu le faire en Irak contre les Kurdes ? Chercherait-elle, en violant l’intégrité territoriale syrienne, à provoquer le pouvoir de Damas et à l’entraîner dans un conflit, pour la plus grande satisfaction des Américains ? Cela paraît improbable, vu les relations économiques turco-syriennes, le refroidissement des relations entre Ankara et Washington (et Tel Aviv) et le danger pour les Turcs d’ouvrir un nouveau front kurde… Il est vrai aussi que la Turquie, dirigée par un gouvernement islamiste réputé modéré, vient d’accueillir à Antalya un congrès d’opposants syriens dominé par les islamistes. Ces signes peu amicaux doivent-ils être interprétés comme de simples moyens de pression de la part d’une nation turque qui entend devenir une puissance dominante au Moyen-Orient, notamment face à l’Iran, allié à la Syrie ? Une chose est sûre, le président Erdogan, sorti renforcé des dernières élections législatives, va devoir très vite clarifier sa position vis-à-vis de la Syrie.

La vieille histoire de David & Goliath…

Les réfugiés syriens de Turquie viennent pour la plupart, à l’évidence, de la ville de Jisr al-Choughour, située à proximité de la frontière et théâtre ces derniers jours de violents et sanglants combats entre militaires syriens et insurgés armés, et depuis désertée par une partie de ses 50 000 habitants. Il est vraisemblable qu’un certain nombre d’habitants de cette région, entraînés par solidarité religieuse ou contraints à suivre le mouvement de l’insurrection, ont préféré fuir les combats et les éventuelles bavures qui accompagneraient la reprise de la ville par les forces du pouvoir central, d’autant que celles-ci, on l’a vu, ont des dizaines des leurs camarades à venger. La question est de savoir combien de ces milliers d’expatriés, littéralement pris entre deux feux, et formellement pris en otage par les groupes salafistes, reviendraient en Syrie une fois la situation redevenue normale…

Quoiqu’il en soit, l’exode et le sort précaire de ces réfugiés sont devenus un des leitmotive de la propagande anti-Bachar. Mercredi 15 juin, la chaîne française d’info permanente I-Télé, notamment, a diffusé des images d’hommes présentés comme des habitants de cette région fuyant les exactions des soldats du régime, et établissant un barrage sur une route : le spectacle de ces hommes, juste dotés de quelques fusils et de faucilles à couper les récoltes, sent quand même un peu la mise en scène. On ne voit pas comment, en effet, cette poignée de civils armés de bric et de broc pourrait tenter quoi que ce soit contre une armée équipée de chars, de canons et d’hélicoptères. En revanche, sur le plan de la propagande, ces images font sens : il s’agit de rejouer à l’opinion internationale le vieux schéma de David contre Goliath, et du peuple martyrisé luttant à mains nues pour sa liberté et sa dignité contre l’oppresseur surarmé et cruel. Vieux cliché, mais qui peut encore fonctionner avec des médias toujours soucieux de schématiser et de broder sur ce thème « vendeur » du faible contre le fort, et une opinion – française notamment – d’autant plus naïve qu’elle ne connaît presque rien de la Syrie et guère plus des techniques de manipulation de l’image.

 



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1 commentaire à “Géopolitique & propagande : de l’utilité des réfugiés syriens”

  1. joseph dit :

    Bonjour,
    Très bien dit, tout a fait d’accord.

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