• Actualité
  •  

Est-ce l'effet du vent nouveau qui souffle sur la Syrie ? Est-ce une manoeuvre ? La démarche de l'Assemblée du Peuple - le parlement syrien - demandant, lundi 26 mars, à Bachar al-Assad de reporter les élections législatives prévues pour le 7 mai prochain est inédite et soulève en effet deux ou trois questions. Arguments techniques ou arrière-pensées politiciennes D'abord, les députés syriens jouent-ils leur rôle dans une pièce écrite à l'avance par le pouvoir ? On ne voit pas pourquoi dans [...]



Législatives : le parlement demande un délai à Bachar

Par Louis Denghien,



Une séance de l'Assemblée du Peuple : une démarche sans précédents, quelles qu'en soient les raisons

Une séance de l'Assemblée du Peuple : une démarche sans précédents, quelles qu'en soient les raisons

Est-ce l’effet du vent nouveau qui souffle sur la Syrie ? Est-ce une manoeuvre ? La démarche de l’Assemblée du Peuple – le parlement syrien – demandant, lundi 26 mars, à Bachar al-Assad de reporter les élections législatives prévues pour le 7 mai prochain est inédite et soulève en effet deux ou trois questions.

Arguments techniques ou arrière-pensées politiciennes

D’abord, les députés syriens jouent-ils leur rôle dans une pièce écrite à l’avance par le pouvoir ? On ne voit pas pourquoi dans la mesure où celui-ci a pu organiser dans des conditions de sécurité très difficiles, en février dernier, son référendum sur la modification de la constitution et obtenir un résultat satisfaisant pour lui. Depuis quelques semaines, la situation sécuritaire, toujours assez préoccupante, n’a néanmoins plus le caractère d’extrême gravité d’avant la reconquête de Bab Amr : les rebelles ont pour l’essentiel été expulsés de tous les centres urbains et pour la plupart ils ont été acculés sur les frontières turque et jordanienne, il demeure un terrorisme urbain mais son niveau n’est pas tel qu’il puisse empêcher l’organisation d’élections générales. Bref, on ne voit pas l’intérêt politique qu’aurait le gouvernement à reporter sine die (l’adresse du Parlement parle de « report à une date ultérieure« ) des élections législatives présentées par lui-même comme les première vraiment pluralistes, « libres et transparentes », au moment où, avec l’appui de la Russie et de la Chine, Kofi Annan et l’ONU travaillent à jeter les bases d’un cessez-le-feu et d’un dialogue pouvoir-opposition.

Alors s’agit-il d’une tentative des « sortants » pour gagner du temps et se refaire une crédibilité face à la concurrence de nouveaux partis ? L’Assemblée du Peuple (250 membres), on le sait, était jusqu’à présent dominée par le Baas et sept partis associés à lui au sein du Front national progressiste, de sensibilité nationaliste arabe, communiste, progressiste, etc. Des députés « indépendants » – non membres du FNP – siègent aussi. Les dernières législatives ont eu lieu en avril 2007. C’est à la mi-mars, peu après la victoire militaire symbolique de Bab Amr, que Bachar avait annoncé la tenue début mai des prochaines législatives. Dans leur requête, les parlementaires – sont-ils unanimes ? – invoquent la nécessité d’un délai pour que les réformes « globales » prennent effet, et plus concrètement, pour que les nouveaux partis politiques se structurent.

L’opposition, ou plutôt les oppositions radicales ont bien sûr dénoncé cette consultation comme une « farce« . Mais, effectivement, un certain nombre de nouvelles formations, certaines dirigées par des opposants à Hafez ou Bachar al-Assad, se sont fait enregistrer depuis l’été dernier et devraient en toute logique participer à ces législatives new look. On en compterait huit ou neuf nouveaux depuis janvier : Al-Talea démocratique, Solidarité, Syrie démocratique, al-Ansar, Développement national, Union nationale de la jeunesse syrienne, al-Watan, Jeunesse nationale pour la justice et le développement. Evidemment, certains de ces nouveaux partis peuvent être les habits neufs de personnalités ou formations anciennes, ou des partis virtuels. On verra bien, mais le Baas, le Parti communiste ou encore le Parti social national syrien (PSNS), formations historiques du Front national progressiste, devraient concourir sous leurs propres couleurs.

On suppose aussi que certains partis, s’affichant clairement d’opposition (constructive), comme le Courant pour l’Edification de l’Etat syrien de Louay Hussein, créés dès l’été dernier, tenteront leur chance. Quid, enfin, de Haytham Maana et de ses amis du CNCD ? Ils ont clairement coupé les ponts, au nom de la souveraineté nationale et du refus de la logique de guerre, avec le CNS, mais de là à franchir le pas, d’ici deux mois, et de participer à une consultation organisée par un régime dont ils contestent fortement la légitimité…

Autre nouveauté acquise, la participation de dizaines de milliers de nouveaux électeurs kurdes, qui ne pourront toutefois voter pour une formation issue spécifiquement de leur communauté, ou en tous cas professant un programme communautariste, la chose étant proscrite par la constitution.

Autre interrogation : les partis de type islamiste-Frères musulmans étant eux aussi interdit d’expression, pour cause de radicalisme anti-Etat et d’opposition aux principes de laïcité, les partisans plus ou moins résolus, plus ou moins modérés, de l’Islam politique privilégieront-ils malgré tout une formation parmi celles « disponibles » ?

La date-limite de dépôt des candidatures avait été repoussée par les autorités au 28 mars.

En tous cas, si la demande formulée par le Parlement est spontanée, ou indépendante du gouvernement, cela témoigne d’une libéralisation de fait, ou d’une certaine libération de la parole. Et si elle est dictée par une sorte de défense corporatiste des intérêts politiques acquis, cela confirme que Bachar est bien un réformateur déterminé de son système.



Vous pouvez suivre les réponses à cet articles avec le flux RSS.
Vous pouvez répondre, ou faire un lien depuis votre site.

19 commentaires à “Législatives : le parlement demande un délai à Bachar”

  1. Deef dit :

    La situation reste préoccupante, puisqu’il est désormais impossible de quitter le pays si on a moins de 42 ans.
    Ayant la double nationalité, je ne peux plus me rendre en Syrie sachant que je ne pourrais plus rentrer en France.

    http://www.syria-news.com/readnews.php?sy_seq=145908

    La Norvège ferme aussi son ambassade, en lisant le site j’ai toujours l’espoir que ça s’arrange mais les faits me donnent l’impression du contraire

  2. Deef dit :

    Ca ne justifie pas de fermer les frontières, surveiller les gens qui entrent dans le pays est nécessaire, mais empêcher les gens de sortir, je ne trouve pas ça terrible, ne serait-ce que pour ceux qui ont une activité économique internationale..

    • Charles dit :

      Quand on interdit aux hommes de 18 à 42 ans de sortir du pays, c’est qu’on envisage la guerre, et l’éventualité d’en mobiliser un certain nombre. Il se trouve que la Syrie n’est pas en paix. Il y a eu encore aujourd’hui une tentative d’infiltration d’un groupe armé à partir de la Turquie, à proximité Gahazaleh (nord-ouest de la province de Idleb). Un affrontement avec l’armée syrienne (nationale régulière) a eu lieu entre les villages de Darkoush et Salin. Des assaillants ont été tués et blessés, d’autres ce sont repliés en Turquie. Des équipes médicales turques ont pris en charge les mercenaires morts et blessés. Ce qui entrave l’activité économique internationale c’est l’hostilité du gouvernement turc. En 2010, les échanges entre la Syrie et la Turquie ont été d’environ 2,5 milliards de dollars, et le gouvernement turc annonçait qu’ils attendraient bientôt les 5 milliards. C’était avant que ce dernier rejoigne les asphyxieurs de la Syrie.

  3. Mohamed Ouadi dit :

    Je vous rejoins absolument cher Louis :
    « Bachar est bien un réformateur déterminé de son système ».

    Et c’est bien aux autres « oppositions extrémistes » d’accepter de jouer le jeu de la démocratie ! Sinon le train de la DEMOCRATIE est en marche, et s’il fait escale c’est pour permettre à toutes les bonnes volontés de monter à bord !

  4. Kegan dit :

    grande explosion à la voiture piégée à Alep tout à l’heure d’après le « Al Majhar »

    http://www.mjhar.com/ar-sy/NewsView/2212/36339.aspx

  5. Cécilia dit :

    Merci Louis, merci infsyrie !

    Encore un autre très bon article toujours très attendu qui analyse bien la question syrienne.
    En plus, je partage aussi votre opinion sur Bachar et je le considère comme vous « un réformateur déterminé de son système ».

    Bravo !

  6. machiavel dit :

    Si le Président Bachar el-Assad a solennellement déclaré que l’organisation des élections législatives interviendrait en Mai 2012, on ne voit pas comment revenir sur une telle annonce parce qu’il y va de la crédibilité du processus en cours et des interprétations tendancieuses que les uns et les autres en feraient.Maintenant c’est vrai que les formations politiques nouvellement créées ont besoin d’un peu plus de temps pour s’organiser et se faire connaître des électeurs, mais il faut aussi être conscient de l’existence de forces de résistance à cet élan réformateur initié par le Président.Peut-être faudrait-il pour lever toute équivoque,d’organiser le plus tôt possible une concertation générale avec l’ensemble des partis politiques et autres acteurs de la vie politique et sociale pour connaître leur position et recueillir ainsi l’adhésion de tous à un quelconque remaniement de l’agenda annoncé par le Président; et c’est ça aussi la démarche démocratique qui barrerait la route à toute velléité « unilatéraliste » susceptible de compromettre le programme de changement de société, inévitable pour l’avenir d’une Syrie plus forte.

  7. machiavel dit :

    prière lire « …lever toute équivoque, organiser le… » . merci.

Commenter