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Nous écrivions ici que la décision de Bachar al-Assad d’autoriser, le 4 août, la création de nouveaux partis indépendants – du Baas et des formations associées à lui dans le cadre du Front National Progressiste – était objectivement historique pour la société syrienne (voir notre article « Bachar fait sa perestroïka » mis en ligne le 4 août). Et que, bien sûr, il faudrait juger cette réforme sur son application concrète : les nouvelles organisations seraient-elles vraiment indépendantes, ou bien de simples « cache-sexe » [...]



Création du premier des nouveaux partis

Par Louis Denghien,



Un des fondateurs du PDS, Akram Khouzam (au centre), fustigeant al-Jazeera lors d’un colloque à Tunis en 2008

Un des fondateurs du PDS, Akram Khouzam (au centre), fustigeant al-Jazeera lors d’un colloque à Tunis en 2008

Nous écrivions ici que la décision de Bachar al-Assad d’autoriser, le 4 août, la création de nouveaux partis indépendants – du Baas et des formations associées à lui dans le cadre du Front National Progressiste – était objectivement historique pour la société syrienne (voir notre article « Bachar fait sa perestroïka » mis en ligne le 4 août). Et que, bien sûr, il faudrait juger cette réforme sur son application concrète : les nouvelles organisations seraient-elles vraiment indépendantes, ou bien de simples « cache-sexe » démocratiques du régime ? Et si leur indépendance politique était attestée, auraient-elles vraiment les moyens de mener une action politique réelle ? Dans quelle mesure les « garde-fous » constitutionnels prévus par la loi sur les partis – interdiction de toute organisation liée à l’étranger et/ou recrutant sur une base communautaire et religieuse – ne limitaient-elles pas le débat, vidant d’une partie de sa substance la réforme ? Et enfin un tel parti aura-t-il suffisamment de crédibilité pour détacher des personnalités des rangs de l’opposition radicale basée à l’étranger ?

Un parti d’opposition avec de vrais opposants

A ce stade, on n’a pas – encore – les réponses à toutes ces questions. Mais le fait est que des opposants ont pris au mot le gouvernement : le tout premier nouveau parti politique syrien vient de se créer à Damas, et il est apparemment d’opposition !

En effet, le Parti démocrate social, qui a adopté la devise « Liberté, Justice, Développement », a été déclaré par des personnalités ayant eu incontestablement maille à partir avec le régime, comme Samira al-Massalma, ex-rédactrice en chef du quotidien gouvernemental Tishreen, limogée en avril dernier pour avoir accusé les forces de sécurité d’avoir tiré sur la foule – « en violation des consignes officielles » précisait-elle –  à Deraa, ville du sud berceau de la contestation et d’où elle est originaire. Autre fondateur du PDS, Akram Khouzam est l’ancien correspondant de la chaîne al-Jazeera à Moscou, personnalité très connue en Syrie. Et pas pour ses liens avec les Frères musulmans : Khouzam avait suscité la colère de la communauté musulmane de la Fédération de Russie en déclarant (en 2004) à une télévision russe que l’Islam promouvait le terrorisme et que Coran incitait à la violence. Des propos certainement à l’origine de son éviction d’al-Jazeera, un an plus tard. Depuis, en septembre 2008, à l’occasion d’un colloque organisé à Tunis par le gouvernement Ben Ali, Khouzam a d’ailleurs directement accusé la chaîne d’information qatarie « de propager une culture qui fait l’apologie de l’extrémisme ».

Citons encore, parmi les parrains du nouveau parti, un député indépendant c’est-à-dire non membre du Baas et des cinq partis qui lui sont coalisés – on en compte actuellement environ 80, soit un tiers des sièges, au parlement de Damas –  et un homme d’affaires.

Dans sa charte, le PDS se propose d’ « édifier un Etat civil pluraliste, de réaliser la justice sociale et sauvegarder l’unité de la Syrie ». On peut toujours dire que tout cela « ne mange pas de pain »  et que tous les partis syriens, présents et à venir, pourraient signer des deux mains ce programme minimum. On insistera néanmoins sur son troisième point : le PDS, comme d’ailleurs toute l’opposition – même la radicale sous influence islamiste et étrangère – fait du maintien de l’unité syrienne un impératif politique absolu. C’est que tous ont l’exemple irakien en tête : un pays naguère laïc et nationaliste arabe, que la chute de Saddam a livré, entre autres, à la guerre, ou au moins à la guérilla, civile entre communautés, une guerre qui fait aujourd’hui encore des dizaines de victimes quotidiennes. Un pays multicommunautaire où, avec l’aide des Américains, le Kurdistan est devenu un Etat quasi-indépendant, encore rattaché constitutionnellement à l’entité irakienne mais pour combien de temps ?

Les opposants –responsables – à Bachar al-Assad doivent donc avoir présent à l’esprit ce redoutable défi : démocratiser la société syrienne, sans la faire éclater.

 



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9 commentaires à “Création du premier des nouveaux partis”

  1. sowhat dit :

    C’est un bon début. Je pense que la direction syrienne est sincère concernant les réformes planifiées et leur application.

    Je suis confiant dans la maturité du peuple syrien. Pourvu qu’il n’y ait pas d’interférences étrangères pour saboter les réformes en cours et le progrès qu’elles impliquent. Car c’est ce qu’on a vu depuis que le président est au pouvoir.

    Mais vous dites :

    « Dans quelle mesure les « garde-fous » constitutionnels prévus par la loi sur les partis – interdiction de toute organisation liée à l’étranger et/ou recrutant sur une base communautaire et religieuse – ne limitaient-elles pas le débat, vidant d’une partie de sa substance la réforme »

    Je ne comprends pas très bien. Ces restrictions sont celles en vigueur dans pratiquement tous les pays démocratiques. Comment pourraient-elles limiter le débat ? Au contraire elles devraient le protéger.

  2. Lubnan dit :

    « Liberté, Justice, Développement »!

    Liberté: quelle est-elle?
    Justice: Ok (sur le plan interne). Continueront-ils à soutenir les résistances (Hamas, Hezbollah)et l’Iran?

    Développement: Capitalisme, libéralisme, ultra-libéralisme? Je ne l’espère
    pas.

  3. syrieux dit :

    Merci aux manifestants sans qui Bachar n’aurait fait aucune de ses réformes. Et en un temps record!

    • stephane dit :

      si vous tes sincère dans votre commentaire alors je suis d’accord avec vous

    • sowhat dit :

      « sans qui Bachar n’aurait fait aucune de ses réformes »

      Je n’en suis pas sûr. Depuis 2000 Bashar n’a cessé de réformer. La volonté de réformes est bien réélle et la plupart de ces réformes étaient déjà préparées. Mais ce n’est évidemment pas du goût de tout le monde.

      Cette soi-disant « révolution » m’a plutôt l’air d’une réaction.

  4. Joseph Cotton dit :

    Notez que Akram Khouzam a nié sa participation à ce parti

    http://all4syria.info/web/archives/22837

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