Les médias occidentaux sont très friands, depuis les révolutions tunisienne et égyptienne, des réseaux sociaux informatiques, vecteurs de la « démocratisation » (traduire : occidentalisation) du monde arabe. Facebook et Twitter étaient déjà branchés, et si en plus ils sont « démocrates » !
Depuis le début des troubles en Syrie, Facebook est de nouveau à l »honneur chez les journalistes de France, de Navarre et d’Amérique. C’est par dizaines de milliers que les internautes s’inscriraient sur les pages dédiées à la « révolution » syrienne, en une sorte de referendum virtuel anti-Bachar al-Assad. Mais internet étant tout à la fois une source merveilleuse d’information et un outil très efficace de désinformation, il nous a paru nécessaire de faire le point sur l' »opposition Facebook », et de voir, à la lumière des dernières données disponibles, la réalité politique et sociologique qui se cache derrière ce « buzz » occidentalo-syrien. Voici donc quelques intéressantes figures de combattants virtuels de la liberté, de guérilléros en chambre, parfois syriens, souvent intégristes, et jamais installés en Syrie !
Quant aux manifestants virtuels, convoqués via Facebook pour de vrais rassemblements en Syrie, il faut savoir que moins de 5% d’entre eux vivent dans ce pays et seraient donc susceptibles de se joindre effectivement aux manifestations en question. Manifester pour la démocratie à Damas… depuis Los Angeles, Londres, Tel Aviv ou le VIe arrondissement de Paris est, il est vrai, plus confortable…
Le barbu de Stockholm
Avec 200 000 membres déclarés à ce jour, Syrian Revolution 2011 est la page la plus importante de la « révolution » en Syrie, et est la source principale de nouvelles et de vidéos Youtube sur les événements syriens. Sauf que le porte-parole officiel du site vit en Suède et y dirige, selon la presse syrienne , la branche de la Fraternité musulmane, autrement dit les Frères musulmans basés en Egypte, et peu réputés jusqu’à présent pour leur orientation libérale. Le nom de ce porte-parole est فداء الدين طريف السيد عيسى (Fida’ ad-Din Tarif as-Sayyid `Isa), né en 1985.
Dès avril, cependant, un incident l’oblige à tomber le masque : le contenu de la page principale disparait subitement, avec l’immense majorité de ses membres, qui ne sont plus du coup que quelques centaines. Peu de temps après ce « crash » informatique, une vidéo apparaît sur le site : on y voit un homme – L’administrateur de la page Syrian Revolution 2011 – très en colère, dénonçant avec force ceux – les gens de Damas – qu’il accuse d’avoir piraté sa page Syrian Revolution sur Facebook, et de l’avoir réduite à presque rien. Mais un quart d’heure plus tard, un nouveau message est chargé sur la page. Qui explique qu’en fait que tout ceci vient d’une erreur technique de Facebook. Et peu après la page est restaurée avec les 138 000 membres qu’elle revendiquait à ce moment. Dans le même temps, l’administrateur-propriétaire a fait retirer la vidéo accusant les autorités syriennes d’avoir piraté le site. Vidéo qui indique clairement que ce propriétaire du fameux site Syrian Revolution 2011 est installé à Stockholm en Suède et qu’il est membre des Frères musulmans ; d’ailleurs, sur son profil Facebook, on trouvait des photos de réunions qu’il a tenues avec les dirigeants égyptiens de la fraternité, il y avait même le logo de la confrérie, mais quand Fida’ ad-Din est apparu à la BBC et qu’il a exposé son identité, il a pris soin d’enlever toutes les photos précédentes de son profil Facebook. Autre détail « éclairant », notre « blogueur de la liberté » s’était aussi exprimé dès le 5 février à la télévision privée anti-Damas Barada et avait appelé le peuple syrien à manifester dans les rues utilisant le terme « جماعتنا » (qui est normalement utilisé par les Frères musulmans).
Au total, un joli coup pour les intégristes égyptiens qui ont attiré 200 000 naïfs en grande majorité occidentaux, mais pour ce qui concerne le peuple syrien, c’est bien une manip’ de grande échelle, et d’inspiration plus intégriste que démocratique.
Combattant sur canapé
Autre figure de proue de la vraie-fausse opposition virtuelle au régime de Damas, Rami Nakhle a lui aussi dès avril relayé sur Facebook la propagande anti-Bachar, regroupant les vidéos de manifestants et les « infos » relatives aux troubles de Syrie , contribuant puissamment à donner à l’opinion internationale l’image d’une révolte massive et générale contre le régime de Damas. Et tout cela depuis son appartement de Beyrouth où il vit en exil depuis le début de l’année.
Car ce cyber-activiste de 28 ans qui verse l’huile sur le feu dans son pays d’origine depuis son canapé (voir photo) a débuté sa carrière de dissident informatique dès 2006 à Damas, réclamant, selon ses dires, la libération de prisonniers politiques et la fin de la loi martiale (abrogée tout récemment par Bachar al-Assad). Nakhle a donné à la presse occidentale un récit quasi-hollywoodien de sa fuite hors de Syrie, en janvier de cette année, sur une moto, avec la police syrienne à ses trousses. Une chose est sûre : depuis, pour le plus grand bonheur de médias comme Al Jazeera ou le New York Times, il alimente à coups de vidéos de portable indéchiffrables et de conversations avec des opposants anonymes sur Skype le mythe d’un embrasement général du pays, alors que l’on peut estimer le nombre maximum de manifestants depuis le début du mouvement à 150 000 (sur une population de 22 millions). Détail « amusant », ce désinformateur – ou au minimum internaute partisan et proche des Américains et monarchies arabes pétrolières – a lui-même été victime d’un bobard sur sa page : un correspondant (forcément) anonyme – que notre cyber-activiste a aussitôt identifié comme un membre de la police secrète de Damas – l’avertissait qu’un membre de sa famille restée en Syrie avait été arrêté par les services de sécurité de Damas. Après un coup de fil, Rami Nakhle a pu vérifier que l’info était non fondée. Gageons que ce n’est pas la seule fausse nouvelle véhiculée par l’écran de ce combattant sur canapé beyrouthin.
Autre figure de la « cyber-dissidence » syrienne : Aussama Monajed, établi à Londres, s’est lui aussi voué à la diffusion de vidéos de protestations, dont la localisation et l’importance numérique sont difficilement vérifiables mais qui suffisent à créer le climat politique dont les médias occidentaux sont friands. Il régnait, en avril, sur une équipe d’une vingtaine de personnes qui l’aidaient à collationner vidéos et infos sur son site Syrian Revolution News Round-up. A l’en croire, il avait des contacts dans chaque province de Syrie, chacun de ces correspondants animant un réseau de dix personnes. De quoi permettre à Aussama Monajed de donner des interviews sur la chaîne américaine CNN dont la réputation d’objectivité et d’indépendance vis-à-vis de la Maison Blanche et du Pentagone n’est plus à faire depuis les guerres du Golfe.
Il est tout aussi intéressant de citer que M. Mounajed travaillait comme producteur pour la chaîne de télévision Barada. Cette même chaîne que l’on retrouve citée, certainement pas par pure coïncidence, dans l’article paru dans Le Monde le 18/04/2011:
« Des câbles diplomatiques américains diffusés par le site WikiLeaks montrent que le département d’Etat a secrètement financé des groupes d’opposition syriens, rapporte lundi le Washington Post. Selon ces notes, Washington a fourni jusqu’à six millions de dollars depuis 2006 à un groupe d’exilés syriens pour qu’il gère une chaîne de télévision privée basée à Londres, Barada TV, et finance des activités à l’intérieur de la Syrie. Barada TV a commencé à émettre en avril 2009 mais a renforcé ses activités depuis le début du mouvement de contestation contre le régime du président Bachar Al-Assad il y a un mois. » Initiative débutée sous l’administration George W. Bush, et soutien financier qui continue a être versé sous la présidence de Barack Obama.
Le faussaire américain pro gay-lesbien
Par son profil et son type d’investissement politique, Tom MacMaster est certainement l’un des plus « originaux » parmi les cyber-opposants à Bachar al-Assad. Cet étudiant (de 40 ans) en master à l’université d’Edimbourg, relaie en effet le blog oppositionnel syrien – intitulé A gay girl in Damascus – plus particulièrement voué au combat des… lesbiennes syriennes et notamment celui d’Amina Abdallah, qui militait simultanément pour la démocratie politique et la liberté sexuelle – qu’en pensent les opposants salafistes à Bachar al-Assad, au fait ? Amina aurait été enlevée début juin à Damas par des inconnus affiliés, à en croire le blog, aux services secrets du parti Baas. Ces ravisseurs auraient opéré depuis une voiture décorée d’une photo de Bassel al-Assad, frère de l’actuel président syrien, décédé dans un accident de voiture en 1994… La presse occidentale, friande de victime aussi « sexuellement correcte » du régime de Damas, a bruyamment relayé cette nouvelle illustration de l’intolérance rétrograde du régime, intimant l’ordre aux autorités syriennes de relâcher immédiatement la malheureuse. (Alors que, contrairement à l’Arabie Saoudite, ou certaines monarchies pétrolières alliées des Américains, la Syrie laïque ne réprime pas l’homosexualité qui ressort de la vie privée.)
Las ! Dès le 12 juin MacMaster devait présenter ses excuses à ses lecteurs et contributeurs : en fait, Amina n’existait pas vraiment, et était même née de l’imagination féconde du blogueur américain, véritable rédacteur du blog A gay girl in Damascus. Qui avait voulu, expliquait-il, illustrer à travers une figure fictive, les réelles difficultés rencontrées par les les homosexuels et lesbiennes syriennes ! Pour une fois, la supercherie a été dénoncée dans l’ensemble de la presse française et internationale. Les gogos qui s’étaient inscrits sur la page spéciale Facebook Free Amina sont assez remontés contre le faussaire MacMasters. Lequel dans son petit mot d’excuses, a cette soudaine révélation, qui ne manque pas de sel venant de lui : » Cette expérience a malheureusement confirmé mes soupçons sur la couverture superficielle que font les médias sur le Proche-Orient. » Si même les désinformateurs dénoncent la désinformation !
Le Syrien du Maryland
Ammar Abdulhamid entretient, lui, la flamme de la résistance au baassisme depuis l’Etat américain du Maryland. Comme le rappelle le spécialiste français du Proche-Orient Gilles Munier sur son blog, Abdulhamid, exilé aux Etats-Unis, dirige une fondation « pro-démocratie » nommée Tharwa (Fortune, tout un programme) travaillant donc à la « démocratisation (à l’américaine) au Grand Moyen-Orient et en Afrique du Nord« , fondation basée comme il se doit à Washington. Nous donnons sur le site le portrait détaillé qu’a fait Gilles Munier de cet activiste dont la principale caractéristique politique et intellectuelle est l’instabilité, qui l’a fait passer de l’extrémisme salafiste proche de Ben Laden au néoconservatisme des faucons de Washington (voir article « l’AFP et la désintégration de l’armée syrienne », objectif des opposants pro-américains in rubrique « ré-information« .
Une propagande sectaire et haineuse
On laissera le mot de la fin (provisoire) à un autre blogueur arabe d’Occident, mais dont le sérieux et l’indépendance, tant vis-à-vis de Damas (où il est né) que de Washington, sont attestés depuis des années : Camille Otrakji (voir la traduction de son entretien en rubrique « ré-information« ) estime que que cette cyber-information est le vecteur idéal et moderne de la bonne vieille désinformation. Pour Otrakji, la maîtrise de l’image par les militants anti-Assad déguise une révolte plus sectaire que nationale, qui fait l’impasse sur les craintes légitimes des minorités syriennes. Quant elle ne les passe pas par profits et pertes, comme cette vidéo diffusée sur le site Syrian Revolution 2011, évoqué plus haut, et qui nous montre un imam égyptien semer la « bonne parole » anti-Assad sur la toile. Un imam égyptien menaçant qui dit notamment : «Aux alaouites syriens… rejoignez-nous ou vos enfants paieront un prix lourd à partir de maintenant jusqu’à l’éternité« . Sans commentaires… Rappelons que les Alaouites sont une minorité musulmane chiite (10% de la population syrienne environ) d’où sont issus nombre de dirigeants actuels du pays, à commencer par le président Bachar al-Assad.
En un mot comme en cent Camille Otrakji a quelques raisons de se dire inquiet d’une propagande, souvent haineuse, peinturlurée en voix de la liberté. Il parle carrément de « tromperie » à ce propos : « C’est comme afficher sur l’emballage d’un produit quelque chose qui n’a rien à voir avec ce qu’il y a dedans. Tout cela est manipulé« .
bravo à vous de révéler la réalité sur ce qui se passe en Syrie. Nous, syriens, dans notre grande majorité savons la vérité mais le plus triste est de constater que les gens n’ont plus aucun esprit critique et avalent vraiment tout ce qu’on leur présentent. C’est parfois à a se demander si les journaliste eux-mêmes sont de mèche, ou bien étant simplement des incapables
Qui est Rami Abdel Rahmane, le président de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) ? 95% des dépêche AFP ou Reuters se réfère à cette source (unique) pour donner des chiffres de manifestation, de blessé et de mort. Google est peu prolixe au sujet de cette organisation.
Cet homme, qui est l’informateur principal des agences de presse, vit à Londres. Il se dit syrien. La plupart des photos qu’il diffuse ne sont pas localisées ni datées. Donc méfiance.